« Plus haut que la tour Eiffel », de Kohndo : un hommage au courage entre rap et poésie

LE LIVRE DE LA SEMAINE. Le premier roman de l’artiste français d’origine béninoise conte une histoire que l’on croit connaître : celle d’un jeune Africain parti de chez lui au péril de sa vie, dans l’espoir d’autres possibles sur le continent européen.

Le Monde  – Un drôle de logo noir attire l’œil sur la couverture de Plus haut que la tour Eiffel, la nouvelle parution de La Grenade, « collection explosive » des éditions JC Lattès. En y regardant de plus près, on reconnaît la forme d’un gilet de sécurité, comparable à ceux que portent – dans l’idéal – les gens en mer. Et l’on comprend que la couleur du livre n’a pas été choisie au hasard, mais bien parce qu’elle évoque l’orange fluorescent de cette tenue de sauvetage.

 

Un vêtement fièrement et rageusement arboré par Kohndo, 48 ans, de son vrai nom Kohndo Assogba, rappeur français de son état, originaire du Bénin, auteur de ce texte en vers libres issu d’un album éponyme qu’il interprète sur scène et qu’il prolonge donc ici dans un livre.

Plus haut que la tour Eiffel conte une histoire que l’on croit connaître : celle d’un jeune Africain parti de chez lui au péril de sa vie, dans l’espoir d’autres possibles sur le continent européen. Mais Kohndo refuse par ce texte que le récit de la migration soit banalisé et réduit à des informations factuelles ou des chiffres. Il veut au contraire redonner de l’importance à l’aventure singulière de chaque être.

« Quinze ans nous séparent depuis mon départ de Ouidah,
Mon Bénin natal… Ma mère m’avait dit ne t’en va pas.
Avais-je bien le choix ? Qu’est-ce qui fait qu’on part de chez soi ? »

Employer la forme écrite pour dire, faire renaître les souvenirs, tenter de se comprendre comme de s’expliquer aux autres, tel est ce qui anime Manga, alias Mingus, le narrateur de ce livre. En ouvrant la lettre que lui a adressée du Maroc son ami Heddi, il replonge des années en arrière et se remémore en détail le parcours qui fut le sien. Ainsi va-t-il répondre à son tour et raconter comment, de Ouidah à Paris – en passant par ces semaines où, à Oujda, il a rencontré Heddi – il est parvenu à se forger une nouvelle vie.

Forcer les portes d’un monde de plus en plus fermé

 

Structuré en quatre actes entre prologue et épilogue, le livre rappelle d’abord un triste constat : celui d’une jeunesse africaine en manque d’opportunités professionnelles.

« Je veux partir car il n’y a pas d’avenir ici (…)
Je vis dans ce monde comme en apnée,
A deux doigts de l’apoplexie.
Ma tête est sur le point d’exploser,
Je ne suis pas loin de l’asphyxie, tu sais ? »

Issu d’une famille pauvre, Manga s’employait comme docker ou manutentionnaire dans sa ville natale avant que l’idée du départ ne prenne peu à peu place dans son esprit. Elle devient bientôt, aux yeux du jeune homme, l’unique manière d’en découdre avec la vie, Manga voulant émigrer aussi bien pour lui-même que pour venir en aide aux siens :

« Tatie a besoin d’une dialyse. Cousine de finir ses études. Je ne peux souhaiter à personne de vivre seul dans l’absence de moyens. »

Mais quel chemin prendre ? La clandestinité s’avère la seule voie pour forcer les portes d’un monde de plus en plus fermé, qui refuse accès et circulation y compris à ceux qui ont les moyens de demander des visas légaux.

« Sais-tu que le plus dur pour l’Europe est de voyager par la route ?
J’ai dû survivre au Sahara, le désert ressemble à un four.
Et ma course est une lutte, un affrontement de tous les jours,
Entre mon envie de mourir et de poursuivre mon parcours. »

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Plus haut que la tour Eiffel, de Kohndo (éd. JC Lattès, 132 pages, 18 euros).

 

Source : Le Monde 

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