Abderrahmane Sissako : « L’Occident ne se voit pas disparaître »

Après « Bamako » et « Timbuktu », « Black Tea », troisième long métrage d’Abderrahmane Sissako, est en compétition à la Berlinale, avant sa sortie en salles le 28 février. Entre Chine et Afrique, ce conte poétique nous parle aussi de l’état du monde. Entretien avec le cinéaste franco-mauritanien.

Mediapart – Après « Bamako » et « Timbuktu », « Black Tea », troisième long métrage d’Abderrahmane Sissako, est en compétition à la Berlinale, avant sa sortie en salles le 28 février. Entre Chine et Afrique, ce conte poétique nous parle aussi de l’état du monde. Entretien avec le cinéaste franco-mauritanien.

« Douces perspectives » : en dehors de la scène introductive d’un mariage raté en Côte d’Ivoire, ce sont les seuls mots en français que l’on entend dans Black Tea, le nouveau film de notre invité Abderrahmane Sissako, dont tous les personnages parlent chinois.

Tourné à Taïwan, mais supposé se passer à Guangzhou (Canton), troisième ville de Chine après Shanghai et Pékin, ce film raconte l’échappée belle d’une femme africaine, vivant un exil heureux dans une boutique de vente de thé pour l’exportation qui voisine avec une sorte de village africain au cœur de la mégapole chinoise.

Sous l’apparence d’un conte poétique, dont l’amour et ses jeux de hasard et de vérité semblent le fil conducteur, Black Tea est aussi une fable politique. Éloge du chemin vers l’autre, de la relation et du partage, du déplacement et de la rencontre, il nous montre un nouveau monde dont l’Europe est désormais absente. Métaphoriquement, ce film nous raconte la disparition d’un Occident devenu aveugle au monde, éclipsé par son indifférence aux autres.

De Bamako (2006), mise en scène du procès de la Banque mondiale et de ses désastreuses politiques dites d’ajustement, à Timbuktu (2014), récit de la résistance des populations touareg à la dictature idéologique des islamistes, sans oublier cet exceptionnel opéra Le Vol du boli (2020), c’est l’occasion de revisiter l’œuvre originale d’Abderrahmane Sissako, cinéaste mauritanien formé à l’école soviétique dans les dernières années de l’URSS. Et d’interroger les liens entre cinéma et politique.

« C’est le rôle d’un cinéaste de se projeter loin dans le monde », explique Abderrahmane Sissako, qui plaide pour la rencontre entre les peuples et appelle l’Afrique à se dresser en se projetant au lointain. « La Chine a su attendre, ce que l’Occident ne sait pas faire », poursuit-il, ajoutant : « L’Occident ne se voit pas disparaître ».

Black Tea est cette semaine en compétition à la 74e Berlinale et sort en salles le 28 février.

 

 

Une émission présentée par Edwy Plenel.

 

Source : Mediapart

 

 

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