Au Sénégal, le Conseil constitutionnel dans la tourmente

L’institution, dont deux membres sont accusés d’avoir été corrompus lors de l’examen des dossiers de candidature à l’élection présidentielle, doit se prononcer sur la constitutionnalité de la loi entérinant le report du scrutin.

Le Monde – Onze jours après l’annonce par le chef de l’Etat, Macky Sall, du report de l’élection présidentielle qui devait se tenir le 25 février, et alors que l’onde de choc créée par cette décision inédite dans l’histoire du Sénégal continue d’ébranler la classe politique locale, la décision prochaine du Conseil constitutionnel pourrait changer la donne.

Cette juridiction doit se prononcer sur la constitutionnalité de la loi votée le 5 février par l’Assemblée nationale, entérinant le report au 15 décembre de la présidentielle et prolongeant le mandat du président Macky Sall jusqu’à l’arrivée au pouvoir de son successeur. Une décision capitale qui sera prise par une institution dans la tourmente, car deux de ses sept juges sont accusés d’avoir été corrompus lors de l’examen des dossiers de candidature à la présidentielle.

Quel est le rôle du Conseil constitutionnel dans la crise actuelle ?

 

Cette juridiction a été saisie par des députés de l’opposition le 8 février, trois jours après que l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi sur le report de l’élection présidentielle. Pareille décision est inédite dans l’histoire du pays, où les échéances présidentielles ont jusqu’alors toujours été respectées, et elle a été prise dans des circonstances exceptionnelles. Elle a été votée à la quasi-unanimité des députés présents (105 voix pour, une contre), et pour cause : la soixantaine de députés d’opposition qui protestaient contre le texte venait d’être sortis de l’hémicycle par les forces de l’ordre.

Le Conseil constitutionnel doit désormais étudier la constitutionnalité de la loi, une décision capitale et attendue par toute la classe politique. Selon plusieurs sources, elle pourrait être annoncée rapidement, mais rien ne contraint l’instance en ce sens. Selon les textes, le Conseil a un mois pour statuer, soit en l’espèce jusqu’au 7 mars, un délai ramené à huit jours si le gouvernement en déclare l’urgence.

Quelle que soit sa décision, le Conseil constitutionnel se trouvera dans une position inconfortable. Lorsqu’il a annoncé son souhait de voir le scrutin décalé de plusieurs mois, Macky Sall a en effet justifié la nécessité d’un report par « un différend entre l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel, en conflit ouvert sur fond d’une supposée affaire de corruption de juges », ajoutant que le Sénégal ne peut pas « se permettre une nouvelle crise ». La haute juridiction se retrouve donc à la fois juge et accusé.

Que lui reproche-t-on ?

 

Censé être le gardien des droits et libertés, le Conseil constitutionnel est tenu à l’impartialité, mais deux de ses sept juges sont accusés d’avoir été corrompus. Le Parti démocratique sénégalais (PDS) affirme qu’Amadou Ba, le premier ministre, candidat de la majorité à la présidentielle, a « utilisé son pouvoir pour manipuler l’élection et éliminer des candidats », dont Karim Wade. « Les députés du PDS estiment que les juges Cheikh Tidiane Coulibaly et Cheikh Ndiaye auraient dû se récuser en raison de leurs connexions douteuses et de leur conflit d’intérêts », écrit le parti d’opposition dans un communiqué de presse du 21 janvier.

La veille, le Conseil constitutionnel avait rejeté la candidature du fils de l’ancien président Abdoulaye Wade (2000-2012) en raison de sa double nationalité franco-sénégalaise, encore effective au moment du dépôt de son dossier. Le PDS avait alors été à l’initiative de la création d’une commission d’enquête parlementaire afin de « corriger toutes les défaillances du Conseil constitutionnel et d’instaurer des conditions garantissant la tenue d’une élection présidentielle inclusive », qui a été mise sur pied avec l’appui de la majorité.

Lire la suite

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Le Monde 

 

 

 

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page