En Côte d’Ivoire, les ressortissants sahéliens inquiets après l’annonce de la sortie de leur pays de la Cedeao

Selon l’Organisation internationale pour les migrations, 3 millions de Maliens et autant de Burkinabés, ainsi que 700 000 Nigériens sont installés dans le pays.

Le Monde – Les communes jumelles d’Abobo et d’Adjamé n’abritent pas seulement le plus grand marché d’Abidjan, cœur battant de la capitale économique de Côte d’Ivoire. Elles sont aussi une réplique de l’Afrique de l’Ouest en miniature, avec ses milliers de ressortissants guinéens, ghanéens et, surtout, de trois pays du Sahel. Les diasporas du Mali, du Burkina Faso et du Niger y sont les plus présentes, le plus souvent actives dans le transport et le commerce.

Selon le recensement de 2021, les étrangers représentaient 22 % de la population vivant en Côte d’Ivoire et, d’après l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 3 millions de Maliens, environ autant de Burkinabés et 700 000 Nigériens s’y sont installés. Depuis le 28 janvier et l’annonce conjointe des trois juntes qui gouvernent ces pays de quitter la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), c’est tout Adjamé qui gronde.

D’abord pour le symbole. « Qu’est-ce que ça veut dire de quitter la Cedeao ? », s’emporte un sexagénaire malien, dressé comme un coq dans sa petite cour d’Abobo Dokui. « Nous sommes tous ouest-africains, nous avons la même parenté… Nous devrions rester ensemble, proclame avec amertume cet homme qui indique vivre à Abidjan depuis près de quarante ans. Comme d’habitude, c’est une décision prise par les dirigeants tandis que nous, la population, n’avons pas été consultés. Nous sommes les premiers concernés et nous allons devoir payer les pots cassés. »

En quittant la Cedeao, les membres de ces trois diasporas risquent de devoir s’acquitter, comme d’autres immigrés (en dehors des Français, qui paient moitié moins cher), des 300 000 francs CFA annuels (quelque 450 euros) de la carte de séjour. Soit quatre mois de SMIC ivoirien. Ceux qui ne pourront s’acquitter de cette somme devront choisir entre rester sur le sol ivoirien dans l’illégalité, rentrer dans leur pays d’origine ou demander la nationalité ivoirienne.

« Cette décision risque de peser très lourd »

« La carte de séjour, c’est ma première préoccupation », confirme Ibrahim Dagoune, un commerçant d’une trentaine d’années originaire du Burkina Faso, installé à Adjamé. S’il dit soutenir le capitaine Ibrahim Traoré, le président putschiste aux commandes à Ouagadougou, il réprouve la sortie de son pays de la Cedeao. « Ma deuxième préoccupation, poursuit-il, c’est la libre circulation des biens et des personnes, et celle des flux financiers. Pour nous qui travaillons entre les deux pays et envoyons de l’argent à notre famille, cette décision risque de peser très lourd. »

Pour l’heure, les trois juntes n’ont pas annoncé leur retrait de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), qui rassemble les huit membres de la Cedeao utilisant le franc CFA. La libre circulation des biens et des personnes entre la jeune Alliance des Etats du Sahel (AES) et la Côte d’Ivoire reste donc garantie pour le moment. Mais l’AES a déjà manifesté son intention de créer une monnaie commune et les diasporas se préparent déjà à cette éventualité. « Si les tarifs douaniers sont restaurés, cela va affecter les prix des produits échangés par ces trois pays et la Côte d’Ivoire, résume l’économiste ivoirien Germain Kramo. Il risque donc d’y avoir des pertes de parts de marché des deux côtés de la frontière, et ce dans le secteur public comme le privé. »

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Source : Le Monde

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