« Deux grands hommes et demi », de Diadié Dembélé : du Mali à la France, une « aventure de la misère »

LE LIVRE DE LA SEMAINE. A travers le parcours migratoire de son héros, l’écrivain de 27 ans fait le portrait, entre gravité et humour, d’une jeunesse à laquelle il n’est jamais donné de choisir son destin.

Le Monde  – Comme le dit un vieil adage, les voyages forment la jeunesse. Et ce n’est pas l’écrivain Diadié Dembélé qui dira le contraire. Son premier roman, Le Duel des grands-mères, mettait en scène un écolier de Bamako, Hamet, expédié à la campagne auprès de ses aïeules dans le but de corriger son insolence de petit citadin lettré. Au cours de cette douce pénitence, le regard de Hamet se dessillait sur sa famille et le village dont il apprenait, émerveillé, à respecter les traditions. Il vivait une initiation dont il ressortait grandi.

Avec Deux grands hommes et demi, son second livre, l’auteur malien de 27 ans reprend le principe du roman de formation, mais avec un héros plus âgé, Manthia, originaire d’une zone enclavée du Mali et dont l’itinéraire s’effectue dans le sens inverse : du monde rural au monde urbain et jusqu’en Europe.

Manthia est encore adolescent lorsqu’il se retrouve propulsé dans le cercle des adultes. Rompu aux travaux agricoles, il contribue autant qu’il le peut à soutenir sa famille, victime d’un grave revers de fortune. Mais la situation demeure fragile. Poussé par son père, Manthia part tenter sa chance dans la capitale. « C’est la première fois que je quitte le village et les miens. J’ai maintes fois entendu les forains parler de la ville et de ses opportunités ; du travail dans tout, porteurs d’eau, casseurs de bois, constructeurs de hangar et de clôtures […] Les forains disent que les gens de la ville paient pour tout et n’importe quoi, comme s’ils n’avaient pas de bras pour s’occuper eux-mêmes de leurs tâches. Mon père a déjà préparé le terrain. »

Entre désir et appréhension, Manthia laisse tout ce qu’il connaissait derrière lui : son épouse, sa famille et son meilleur ami, Toko, ultime recours et repère.

Le roman s’ouvre sur les paroles du jeune homme se rappelant son ignorance du monde au moment du départ. Une ignorance entretenue par les émigrés eux-mêmes, qui, pudeur et orgueil mêlés et parce qu’« un homme ne se plaint pas », choisissent de taire les réalités auxquelles ils sont confrontés. « Entre le massif de l’Assaba et le fleuve Sénégal, on ne dit pas un mot de l’aventure vers l’inconnu. Rien ! », déplore Manthia rétrospectivement. Lui est bien décidé, au contraire, à raconter dans le détail ce qu’il a vécu en quittant son village sans la ressource d’une éducation scolaire mais avec pour lourde injonction d’améliorer le sort des siens.

Une langue savamment bousculée

Le centre de rétention où il est placé motive sans doute son besoin d’expression. On suit, chapitre après chapitre, les difficultés, humiliations et situations critiques – la solitude, la faim… – auxquelles il se confronte et qui ne font que s’amplifier du Mali à la France, jusqu’au foyer de banlieue miteux où il échoue.

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Deux grands hommes et demi, de Diadié Dembélé, éd. JC Lattès, 234 pages, 20,90 euros (14,99 euros au format numérique)

 

 

Source : Le Monde 

 

 

 

 

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