Au Sénégal, polémique autour de la « double nationalité » de Karim Wade

Un décret publié mardi au « Journal officiel » atteste que l’ancien ministre a renoncé à sa nationalité française, qui l’empêchait de se présenter à l’élection présidentielle. Sera-ce suffisant pour mettre fin au débat ?

Le Monde – Après plusieurs jours d’incertitudes, le doute a finalement été levé. Karim Wade, le candidat du Parti démocratique sénégalais (PDS) à l’élection présidentielle du 25 février, a bien renoncé à sa nationalité française, selon un décret du mardi 16 janvier publié au Journal officiel et signé par le premier ministre, Gabriel Attal, et le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin : « Sont libérés de leur allégeance à l’égard de la France les Français dont les noms suivent […] WADE (Karim, Meïssa), né le 01/09/1968 à Paris 15e (75015). »

Si l’affaire faisait polémique ces derniers jours au Sénégal, c’est parce qu’elle hypothéquait les chances de voir la candidature de Karim Wade, dont le père – l’ancien président Abdoulaye Wade – est sénégalais et la mère française, validée par le Conseil constitutionnel, l’organe chargé de publier, dans quelques jours, la liste définitive des participants à la présidentielle. La loi électorale sénégalaise interdit en effet que les candidats possèdent une double nationalité.

Mardi, Thierno Alassane Sall, candidat du parti d’opposition République des valeurs, avait déposé un recours auprès de l’instance afin de faire invalider la candidature de son concurrent. « L’exigence d’une nationalité exclusivement sénégalaise pour les candidats à l’élection présidentielle repose sur des principes fondamentaux visant, entre autres, à garantir l’indépendance du président de la République vis-à-vis de toute puissance étrangère […] En d’autres termes, un président ne peut avoir à son tour un président », a-t-il écrit sur le réseau social X (ex-Twitter), tout en dénonçant le « secret de Polichinelle de la double nationalité de M. Karim Wade ».

En réponse, plus tard dans la soirée, Karim Wade avait annoncé le dépôt, par le biais du mandataire de sa coalition, de la preuve attestant de sa perte de nationalité par renonciation, sans toutefois la rendre publique.

« Quel est l’intérêt de la France ? »

Contactés par Le Monde, des responsables du parti de Thierno Alassane Sall disent maintenir leur recours et soulignent que toutes les interrogations ne sont pas levées. « Comment le Conseil constitutionnel a-t-il pu valider la candidature de Karim Wade alors qu’il possédait encore la nationalité française au moment du dépôt de son dossier [le 26 décembre] ? », s’agace M. Faye, juriste et membre de la République des valeurs, chargé par le parti de déposer le recours.

Autre point litigieux : la date à laquelle cette renonciation a eu lieu, qui vient contredire les déclarations de Karim Wade, lequel affirme avoir fait cette démarche dès 2018. « Le décret de perte de la nationalité française prend effet à la date du décret », précise le site du ministère français de l’intérieur – soit le 16 janvier. Le parti de Thierno Alassane Sall s’en prend également à la France. « Même si c’est la tâche du premier ministre et du ministre de l’intérieur de signer les décrets, le timing laisse penser que le gouvernement français s’est précipité pour sauver un candidat à la présidentielle sénégalaise. Quel est l’intérêt de la France dans notre élection ? »

Dans le camp de Karim Wade, qui fait régulièrement l’objet de railleries aux relents racistes en lien avec le fait qu’il soit métis ou qu’il ne maîtrise pas le wolof, on voit dans cette polémique le symptôme d’une « discrimination » et d’une « xénophobie ».

La controverse a été lancée samedi par un post sur X du journaliste Ayoba Faye, qui, après avoir consulté le site gouvernemental service-public.fr, pointait la présence de Karim Wade sur le fichier électoral français. Le nom de l’ancien ministre de la coopération internationale, de l’aménagement du territoire, des transports aériens et des infrastructures est bien renseigné sur la plateforme comme électeur à Versailles. Une inscription suffisante pour relancer un débat déjà agité, en août, par un autre membre de l’opposition – sans avoir réellement attiré l’attention.

Moussa Diop, qui souhaitait également concourir à la présidentielle mais dont la candidature a été invalidée par le Conseil constitutionnel, avait à plusieurs reprises soutenu que Karim Wade avait conservé sa double nationalité. Il avait même brandi sur des plateaux de télévision la copie d’un passeport français supposé lui appartenir et défié le PDS de prouver la perte de sa deuxième nationalité. « J’ai les preuves que Karim Wade n’a pas renoncé à sa nationalité française. Le moment venu, je les montrerai », avait-il déclaré, avant d’être incarcéré en décembre pour « offense au chef de l’Etat » à la suite d’accusations de corruption contre Macky Sall.

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et  (Dakar, correspondance)

Source : Le Monde

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