Le Monde – Leur grade et leurs itinéraires diffèrent, mais tous ont en commun de devoir passer par les urnes pour être en droit d’enfiler le costume plus respectable de « président démocratiquement élu ». Du colonel malien Assimi Goïta, initiateur de la vague des coups d’Etat en 2020 et premier allié sahélien de Moscou, au général gabonais Brice Oligui Nguema, dernier entrant dans le cercle des hommes forts en uniforme après avoir renversé la dynastie Bongo, ils sont six putschistes, en Afrique francophone, à pouvoir envisager de briguer le vote des électeurs. Des scrutins – pour certains déjà repoussés – sont prévus en 2024 et 2025 pour mettre fin aux gouvernements de transition.
Pour l’heure, les pressions pour les amener aux élections sont minimales et, si tous ces soldats semblent s’être passés le mot pour taire publiquement une ambition qui ne fait guère de doute, les putschistes du continent semblent aujourd’hui les maîtres des horloges électorales… et de leur destin politique.
Au Mali, l’élection encore reportée, le colonel Assimi Goïta
en embuscade
Premiers à être sortis de leurs casernes, en août 2020, pour renverser le président élu Ibrahim Boubacar Keïta, avant de renouveler l’expérience en mai 2021 pour « un coup d’Etat dans le coup d’Etat », les putschistes maliens devaient aussi être les premiers à rendre le pouvoir. En théorie. En septembre 2023, la junte dirigée par le colonel Assimi Goïta a annoncé un « léger » report, « pour des raisons techniques », de l’élection présidentielle qui devait se tenir en février.
La loi électorale précise que la date du scrutin doit être annoncée au minimum trois mois avant sa tenue, mais les autorités de transition n’ont pour l’heure toujours pas communiqué de nouveau calendrier. « Au cours de l’année 2024, les efforts tendant à retourner à un ordre constitutionnel, apaisé et sécurisé ne faibliront point », s’est contenté de déclarer le colonel Goïta le 31 décembre. De quoi semer le doute sur sa volonté de remettre le pouvoir aux civils cette année.
Assimi Goïta sera-t-il lui-même candidat ? S’il reste discret sur ses intentions, il s’est arrangé pour faire sauter le verrou qui lui interdisait de se présenter. En juin 2023, une nouvelle Constitution a été approuvée par référendum, rendant caduque la charte de la transition, qui excluait les militaires du scrutin.
Au Tchad, Mahamat « Kaka » Déby prêt à se succéder à lui-même, après avoir succédé à son père
Il n’a pas fait officiellement acte de candidature, mais sa participation au prochain scrutin ne fait guère des doutes à N’Djamena. Samedi 13 janvier, Mahamat « Kaka » Déby, porté au pouvoir par l’armée après la mort de son père Idriss Déby Itno en avril 2021, a été investi par son parti, le Mouvement patriotique du salut (MPS), pour la présidentielle prévue en octobre.
La nouvelle Constitution adoptée en décembre par référendum, parce qu’elle abaisse de 40 à 35 ans l’âge minimum requis pour concourir, laisse le champ libre au jeune général, qui devra encore remiser son uniforme et se mettre « en position de disponibilité ».
Celui-ci a réalisé fin 2023 un coup politique, en permettant le retour de son principal opposant, Succès Masra, exilé depuis la sanglante répression des manifestations d’octobre 2022, et en le nommant premier ministre. Reste à savoir si l’économiste de 40 ans et l’officier, son cadet d’un an, ont trouvé un accord en vue de la présidentielle ou s’ils s’affronteront dans les urnes.
En Guinée, des promesses qui s’éternisent
Le colonel Mamadi Doumbouya ne « passera pas un jour de plus à l’issue des vingt-quatre mois de transition » à la tête de l’Etat. C’est la promesse faite par le régime issu du coup d’Etat qui renversa Alpha Condé en septembre 2021. La durée de la transition a fait l’objet d’âpres négociations avec la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), la junte réclamant initialement trente-neuf mois, l’instance régionale lui en proposant vingt-quatre. Avec habileté, la junte a gagné, certes en acceptant le délai de deux ans proposé par les chefs d’Etat voisins, mais en faisant démarrer le chronomètre en janvier 2023, ce qui lui permet de rester au pouvoir jusqu’à début 2025.
Mamadi Doumbouya, l’ancien commandant des forces spéciales qui a assumé la responsabilité du putsch contre Alpha Condé, a assuré en février 2023 que les membres du régime « ne feront pas partie de l’après-transition ». « Pour nous, c’est clair et ça doit l’être », disait-il alors. Mais depuis, une partie de la société civile et de la classe politique doute des intentions du colonel.
Source : Le Monde
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