CAN 2024 : la montée en puissance des sélectionneurs africains

Les coachs du continent sont majoritaires pour la deuxième fois consécutive dans le tournoi. Une petite révolution pas que sportive.

Le Monde – Ce n’est pas un effet de mode, mais « une tendance lourde » qui se confirme de compétition en compétition, comme l’observe le Comorien Amir Abdou, sélectionneur de la Mauritanie. Pour la Coupe d’Afrique des nations (CAN), qui débute le 13 janvier en Côte d’Ivoire, quatorze des vingt-quatre équipes en lice sont dirigées par des sélectionneurs africains ou binationaux.

Ainsi, outre Amir Abdou, la Tunisie est conduite par le Tunisien Jalel Kadri, la Guinée par le Guinéen Kaba Diawara, le Maroc par le Marocain Walid Regragui, la Tanzanie par l’Algérien Adel Amrouche ou encore le Sénégal par le Sénégalais Aliou Cissé. Les dix autres pays qualifiés sont entraînés par des Européens (neuf dont trois Français) et un Israélien (Avram Grant, Zambie).

La CAN en Côte d’Ivoire a aussi un côté inédit, pour ne pas dire historique : les coachs africains sont pour la deuxième fois consécutive majoritaires dans le tournoi. Lors de la précédente édition au Cameroun, ils étaient déjà quinze, alors qu’en 2017, au Gabon, quatre seulement occupaient les bancs de touche face à dix Européens, un Argentin et un Israélien (cette CAN se jouait encore à seize nations).

« La fin du “mythe des sorciers blancs” »

Les deux dernières éditions du tournoi ont « inversé la tendance et c’était inéluctable », souligne Joseph-Antoine Bell, 69 ans, légendaire gardien des Lions indomptables (Cameroun), et observateur attentif du football continental. « Aujourd’hui, sur un plan philosophique, il y a des dirigeants qui n’ont pas connu l’époque des indépendances [dans les années 1960] et qui sont moins complexés, raconte l’ancien portier de l’Olympique de Marseille. Ces dernières décennies, quand un local échouait à la tête d’une sélection, on avait l’impression que c’était tous les Africains qui échouaient. Beaucoup de techniciens qui avaient des compétences n’ont jamais eu leur chance. De nos jours, si l’un d’eux connaît un revers, il ne condamne plus tous ses frères. Ça avance. C’est aussi la fin du “mythe des sorciers blancs”. »

Sa chance, Amir Abdou, 51 ans, l’a trouvée sur la terre natale de ses parents. Né à Marseille, ville considérée comme « la cinquième île » des Comores en raison du nombre important de Comoriens qui y vivent, il est nommé, en 2014, sélectionneur de cet archipel alors qu’il a encore peu d’expérience. Mais le Franco-Comorien innove : il donne « un cadre » à cette sélection, professionnalise son staff et s’appuie davantage sur la diaspora, comme l’a fait avec succès l’Algérie. « Effectivement, un entraîneur binational, ça permet aussi de comprendre la mentalité des joueurs et la jeune génération », souligne-t-il.

En 2021, le coach réussit à envoyer ses hommes à la CAN qui se joue l’année suivante au Cameroun. Les Cœlacanthes – surnom inspiré par un poisson à nageoires charnues – sont éliminés en 8es face au pays hôte (2-1) après un match de très haut niveau et au scénario improbable. Amir Abdou est lancé : il entraîne en parallèle le FC Nouadhibou, l’équipe championne de Mauritanie, puis, en 2022, est nommé sélectionneur de ce pays. A son profit : un record d’invincibilité des Mourabitounes avec une série de quinze matchs sans défaite et une qualification en phase finale de la CAN en Côte d’Ivoire.

« J’ai fracassé des portes pour entrer »

A l’instar du Franco-Comorien, plusieurs des quatorze coachs africains présents en Côte d’Ivoire sont binationaux. Walid Regragui (Maroc), Kaba Diawara (Guinée) ou encore Djamel Belmadi (Algérie) sont, par exemple, nés en France. Presque tous ont fait carrière en Europe comme joueur avant d’y obtenir leur diplôme d’entraîneur et ont revêtu les couleurs de leur équipe nationale. Et même si certains ont porté le maillot de prestigieuses écuries comme Liverpool (Rigobert Song, Cameroun) ou le Paris-Saint-Germain (Aliou Cissé, Sénégal), aucun n’a entraîné une grande équipe professionnelle européenne. « Je ne crache pas dans la soupe. Mais l’Europe ne m’a jamais donné ma chance, je suis allé la chercher, avait déjà fait valoir Aliou Cissé dans une interview au Monde. J’ai fracassé des portes pour entrer. Je suis reconnaissant envers la France, mais tout ce que j’ai acquis, ça a été à la sueur de mon front. »

Pourtant, certains se demandent si l’on peut considérer ces entraîneurs africains comme des « locaux », alors même qu’ils ont pour la plupart été formés sur le Vieux Continent. « Ce débat sur la nationalité est démagogique, tonne Claude Le Roy, qui a dirigé six sélections africaines (de 1985 à 2021) et remporté la CAN en 1988 avec le Cameroun. Ce qu’il faut, ce sont des gens qui connaissent l’Afrique, son histoire, la géopolitique, ses cultures, les guerres d’indépendance. Peu importe d’où ils viennent. » Le Belge Tom Saintfiet, patron de la Gambie depuis 2018, et qui s’apprête à faire sa deuxième CAN avec les Scorpions, va dans le même sens : « Ce n’est pas un problème d’origine, estime-t-il. La vraie question à se poser est : le pays choisit-il un bon sélectionneur ? Il existe d’excellents entraîneurs locaux et étrangers comme de très mauvais. »

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Source : Le Monde

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