Avec la mort du « Kaiser » Franz Beckenbauer, un monument du football disparaît

Le défenseur central, quadruple champion d’Allemagne avec le Bayern Munich, double Ballon d’or et vainqueur de la Coupe du monde comme joueur puis comme sélectionneur, est mort le 8 janvier, à 78 ans.

Le Monde – Les champions de légende ne sont pas immortels. Et avec le temps qui passe disparaissent les idoles en crampons des années 1970 qui ont fait vibrer des dizaines de millions de fans à travers la planète. Après le Néerlandais Johan Cruyff, décédé en 2016, puis le Brésilien Pelé en décembre 2022, c’est au tour de l’Allemand Franz Beckenbauer, le troisième plus grand joueur de cette période footballistique bénie, à quitter définitivement le terrain. Le double champion du monde (comme joueur en 1974 puis comme sélectionneur en 1990) est mort, dimanche 7 janvier à Salzbourg (Autriche), à l’âge de 78 ans.

Pour qu’un footballeur entre dans la légende, il est généralement préférable qu’il ait été un attaquant, si possible buteur prolifique. Ce n’était pas le cas de Franz Beckenbauer qui, après des débuts au milieu de terrain, sera positionné en défense centrale. Mais pas dans la peau des « verrouilleurs » à l’italienne à la mode durant la fin des années 1960, plutôt dans celui de libero, capable d’orienter le jeu, de dynamiser les relances et de couper les lignes adverses grâce à une technique individuelle et à une qualité de passe hors norme.

L’Allemand n’a pas inventé ce poste de défenseur libre d’aller de l’avant, il l’a magnifié, que ce soit sous le maillot rouge du Bayern ou blanc de la sélection ouest-allemande. Avant lui, d’autres joueurs, comme le Belge Laurent Verbiest (Anderlecht) ou le Serbe Velibor Vasovic (Ajax Amsterdam) notamment, avaient donné leurs lettres de noblesse au poste de libero. Beckenbauer, lui, n’a jamais caché son admiration pour l’Italien Giacinto Facchetti, défenseur de l’Inter Milan, adepte des fréquentes percées offensives.

Quoi qu’il en soit, celles et ceux qui ont eu la chance de voir jouer le Bavarois, né à Munich en septembre 1945, évoquent toujours l’élégance qui se dégageait de Franz Beckenbauer balle au pied : buste bien droit, tête haute, vision de jeu phénoménale. Une élégance rimant parfois avec une certaine arrogance. Mais une élégance qui n’avait rien de gratuit, car mise au service de l’efficacité la plus clinique.

« L’Empereur est mort »

Son style si caractéristique explique en partie le célèbre surnom qui lui colle à la peau. Le 3 août 1971, à l’occasion d’un match amical à Vienne, en Autriche, des photographes de presse demandent au jeune prodige de prendre la pose devant un buste de l’empereur François-Joseph de Habsbourg – le Kaiser Franz Joseph, en Allemand. La légende est en marche : Beckenbauer sera donc, et pour toujours, le Kaiser. « L’Empereur est mort », a d’ailleurs titré le quotidien populaire Bild, dès l’annonce de son décès, lundi après-midi.

Fils d’un employé des postes, il endosse à 9 ans le maillot du SC Munich 06. Son idole ? Le mythique buteur Fritz Walter, champion du monde avec la RFA en 1954. Son club de cœur ? Le TSV 1860 Munich, beaucoup plus populaire à l’époque que le Bayern. Mais c’est pourtant bien au Bayern que le tout jeune Beckenbauer va signer sa licence, en 1958.

Franz Beckenbauer à Nice, dans le sud de la France, le 22 novembre 1977.

Franz Beckenbauer à Nice, dans le sud de la France, le 22 novembre 1977.

La très longue histoire d’amour entre Franz et le club bavarois débute. Elle se soldera par un palmarès ahurissant. Joueur, Beckenbauer portera le maillot du Bayern sans interruption de 1959 à 1977, pour un total de 427 matchs et 60 buts. Il en deviendra l’entraîneur, puis le président, figure emblématique incontestable.

Dans les années 1970, les années dorées, entouré par quelques surdoués (du gardien Sepp Maier au buteur Gerd Müller, en passant par les redoutables Paul Breitner et Hans-Georg Schwarzenbeck en défense, pour ne citer qu’eux) dotés de caractéristiques physiques et techniques bien différentes mais parfaitement complémentaires, Beckenbauer va remporter quatre championnats de RFA (1969, 1972, 1973, 1974), quatre Coupes nationales, trois Coupes d’Europe des clubs champions d’affilée (1974, 1975, 1976), une Coupe intercontinentale.

Exploits en tous genres

Mais si Beckenbauer restera dans la mémoire collective comme l’un des plus grands footballeurs de tous les temps, ce n’est pas seulement à ses performances sous le maillot du Bayern qu’il le doit. Sélectionné à 103 reprises en équipe nationale, « Kaiser Franz » symbolise à l’époque la puissance du football (ouest-) allemand sur la scène internationale. Les athlètes rugueux sacrés champions du monde en 1954 laissent place, dans les années 1970, à une sélection aux atouts plus variés. Beckenbauer et son mètre quatre-vingt-un, si doué techniquement, si élégant, si clairvoyant, en est le symbole.

Il n’a que 20 ans lors de sa première apparition en équipe nationale. Son long parcours sous le maillot blanc, de 1965 à 1977, sera ponctué d’exploits en tous genres. Mais plus que ses buts, ses actions de classe, son influence sur le jeu de la sélection, ses titres, l’histoire retiendra une image : celle d’un Beckenbauer le bras droit en écharpe, lors de ce que les observateurs surnommèrent le « match du siècle », à savoir la demi-finale de Coupe du monde RFA-Italie disputée devant 102 000 spectateurs à Mexico, le 17 juin 1970.

A la suite d’un choc particulièrement violent, Beckenbauer se fracture la clavicule. Impossible de continuer à jouer ? Pas pour le Kaiser, qui demande qu’on lui mette une écharpe pour immobiliser son bras. Cela n’empêchera pas son équipe d’être finalement éliminée (4-3) après prolongations, mais l’image de Beckenbauer sur le terrain le bras en écharpe fera le tour du monde. C’est aussi comme cela que l’on construit une légende.

Un contrat en or à New York

En 1974, comme joueur sous le maillot de la sélection, il remporte la deuxième Coupe du monde de l’histoire de la RFA. En 1990, c’est dans la peau du sélectionneur que Beckenbauer, à la tête de la Nationalmannschaft entre 1984 et 1990, rafle le troisième titre mondial de son pays. Une performance de choix puisque, à ce jour, ils ne sont que trois à avoir remporté la Coupe du monde comme joueur puis comme sélectionneur : le Brésilien Mario Zagallo (mort le 5 janvier, à 92 ans), Franz Beckenbauer et Didier Deschamps. Titré à de multiples reprises avec le Bayern ou la sélection, le Kaiser l’a aussi été à titre individuel, avec deux Ballons d’or (1972, 1976).

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  et  (Berlin, correspondant)

 

 

 

 

Source : Le Monde – (Le 08 janvier 2024)

 

 

 

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