Avoir 20 ans à Bamako, et dire non à la France

Les forces armées des Nations unies ont quitté le Mali le 31 décembre 2023. A Bamako, la majorité des Maliens, et surtout les jeunes, soutient le gouvernement militaire de transition malgré une situation économique dramatique. Rencontres

Le Temps – A quelques jours du retrait de la Minusma – la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali – l’aéroport Modibo-Keita semblait assoupi. Depuis août, il n’est plus desservi par Air France pour cause de mésentente entre les deux pays. Brussels Airlines a également renoncé à desservir la capitale malienne.

En provenance d’Europe, les vols transitent donc désormais par Istanbul, Addis-Abeba ou Casablanca. Dans la voiture qui se dirige vers le centre-ville, en passant à côté du quartier général de la Minusma, la radio égrène le décompte des camps qui ferment. Le retrait de la Minusma aura pris six mois, un record. Un an après le retrait des forces françaises, ce repli montre l’ampleur de la perte de confiance envers les Occidentaux face à la crise sécuritaire au Mali.

Dans ce pays sahélien, l’un des plus pauvres au monde mais doté d’un sous-sol extrêmement riche en matières premières, 67% de la population a moins de 24 ans et 47% moins de 15 ans. A chaque carrefour de Bamako, chauffeurs de motos-taxis, agents de change à la criée ou vendeurs de bricoles affichent des mines juvéniles. Si dans le reste du territoire, cette jeunesse constitue le terreau idéal au recrutement des terroristes, à Bamako elle s’est mobilisée pour signifier son ras-le-bol du gouvernement.

Considéré comme népotique, il n’arrivait pas à enrayer le terrorisme ni à pacifier le conflit avec les touaregs dans le nord depuis 2012 malgré l’aide internationale. Suite à une série de manifestations où les jeunes massivement présents demandaient le départ du président Ibrahim Boubacar Keita, dit IBK, ce sont finalement les militaires qui ont contraint ce dernier à démissionner le 20 août 2020.

En mai 2021, le gouvernement de transition fraîchement mise en place a été renversé une deuxième fois par les mêmes militaires. A leur tête, le très populaire président-colonel Assimi Goïta, porté aux nues par une grande majorité de la jeunesse. En septembre, le gouvernement a annoncé le report des élections présidentielles prévues en février 2024. Deux mois plus tard, l’armée malienne reprenait la ville de Kidal, bastion de la résistance touareg, sitôt que la Minusma s’en était retirée.

Aux Européens, les nouveaux dirigeants préfèrent désormais les Russes qui les fournissent en armes et les appuient dans leur reconquête du territoire. Un partenaire forcément mal vu des anciens alliés, mais qui ne semble pas poser problème à la plus grande partie de la population.

 

Awa Diallo Sylla: «Je suis fière que le Mali soit le premier pays à avoir osé dire «non» et que le Burkina Faso et le Niger aient suivi». — © KANI SISSOKO / Kani SISSOKO
Awa Diallo Sylla: «Je suis fière que le Mali soit le premier pays à avoir osé dire «non» et que le Burkina Faso et le Niger aient suivi». — © KANI SISSOKO / Kani SISSOKO

 

«Avant, nous étions Français»

 

«Avant, nous étions Français: nous dépendions totalement de la France. Aujourd’hui, nous sommes indépendants», expose Awa Diallo Sylla, une femme au foyer de 23 ans qui vit dans le quartier de Lafiabougou. Elle explique: «Je crois dans le gouvernement actuel, car les hommes qui le dirigent sont des soldats qui pensent à l’intérêt de tous. Je suis fière que le Mali soit le premier pays à avoir osé dire non et que le Burkina Faso et le Niger aient suivi.

S’il y a des élections, le président-colonel Assimi Goïta va les remporter, c’est sûr. Et si elles sont reportées, ce n’est pas un problème», affirme la jeune femme. Quant à Mohamed Diallo, un étudiant en droit de 25 ans, il dit croire «davantage aux idéaux et aux personnalités qu’à la forme d’un régime politique. Les militaires ont acquis une légitimité. Ils répondent aux aspirations de la population avant tout préoccupée par la question sécuritaire, et ils ont son soutien. Certes, tous nos problèmes ne sont pas résolus, mais on compte désormais plus de victoires des forces armées maliennes contre les terroristes dans le nord et le centre: j’ai foi en elles».

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Source : Le Temps (Suisse) – Le 01 janvier 2024

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