En RDC, la large et déjà contestée victoire de Félix Tshisekedi

Le président sortant a été réélu pour un second mandat à la tête du pays, selon les résultats promulgués dimanche par la Commission électorale. Ses principaux opposants ont déjà annoncé rejeter le verdict des scrutins du 20 décembre.

Le Monde – Candidat à sa propre succession à la tête de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Antoine Tshisekedi, « Fatshi » pour ses partisans, « Numéro 20 » pour ses électeurs, a été facilement réélu avec 73,34 % des voix (pour une participation de 43 %), selon les résultats provisoires présentés, dimanche 31 décembre, par la Commission électorale nationale indépendante (CENI).

Un véritable raz-de-marée au regard des chiffres diffusés sur les écrans géants du centre de décompte Bosolo – « la vérité » en lingala – de Kinshasa, déferlant au terme d’un scrutin chaotique. Un écart abyssal de 55 points le sépare de Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur du Katanga que l’on présentait comme son plus sérieux challenger.

Cinq ans après une première élection déjà très controversée, Fatshi a renvoyé ses concurrents au rang de figurants. Son succès, malgré ce score, n’aura cependant jamais la pureté du diamant. Les accusations de « coup d’État électoral » portées par une opposition qui se présentait en ordre dispersé n’ont guère de fondements. Le chef de l’État dispose d’une réelle popularité auprès d’une bonne partie des Congolais.

Pourtant, il risque de traîner comme un boulet le soupçon d’avoir orchestré des couacs électoraux d’une proportion inédite. A la veille du vote, certains observateurs ou diplomates se demandaient encore si le scrutin, pourtant doté d’un budget de plus d’un milliard de dollars, pourrait se tenir au jour dit, tant les signes de déroute logistique s’accumulaient. Six jours après la clôture officielle du scrutin des bureaux de vote, enfin équipés du matériel électoral nécessaire, ouvraient encore dans les coins, il est vrai, les plus reculés de ce pays continent. La RDC est vaste comme l’Europe de l’ouest mais sans ses infrastructures de transports ni de télécommunications.

La puissante Église catholique, souvent critique à l’égard du pouvoir, a parlé lors de la messe de Noël de « gigantesque désordre électoral organisé », sans dire au profit de qui. Tous les yeux se sont tournés vers la présidence. Jacquemain Shabani, le directeur de campagne du chef de l’État, a reconnu sans peine ces dysfonctionnements tout en estimant qu’« ils ont touché indistinctement tous les candidats ».

Sans apporter aujourd’hui d’éléments de preuve tangibles, neuf des principaux candidats d’opposition ont rejeté « catégoriquement ce simulacre d’élections » avant même l’annonce des résultats dimanche. L’opposition soupçonne une fraude au niveau des « machines à voter », ces tablettes à écran tactile installées dans les isoloirs sur lequel les électeurs choisissent leurs candidats. Dans l’entourage de Moïse Katumbi, on affirme qu’il y aurait eu une forme de « bourrage d’urnes 2.0 ». Oubliés les bulletins glissés illégalement dans les urnes, on serait là face à des votes numériques introduits dans le système, en amont, devenant ainsi, selon le lapsus d’une consœur journaliste, « une machine à voler » et non à voter. « C’est techniquement faisable, estime un spécialiste des processus électoraux, il est possible d’amplifier les résultats mais cela peut difficilement expliquer un tel écart […points] entre le premier et le deuxième ».

« Nombreux cas d’irrégularités »

 

Dans ses conclusions préliminaires rendues publiques jeudi 28 décembre, la mission d’observation électorale (MOE) conjointe de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) et l’Église du Christ au Congo (ECC) – deux des plus importantes organisations religieuses de RDC – disaient avoir « documenté de nombreux cas d’irrégularités susceptibles d’affecter l’intégrité des résultats de différents scrutins, en certains endroits ». Tout en précisant que « grâce au dispositif de comptage parallèle des voix qu’elle a mis en place, [la MOE] constate qu’un candidat s’est largement démarqué des autres avec plus de la moitié de suffrages à lui seul ».

Lire la suite

 

(Kinshasa, envoyé spécial)

Source : Le Monde

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page