A quelles aides ont droit les étrangers en France ?

Au cœur des débats sur la loi « immigration », les prestations sociales versées aux étrangers font l’objet de nombreux fantasmes. Le point sur les aides proposées aux demandeurs d’asiles, étrangers en situation régulière ou irrégulière sur le territoire.

Le Monde – Sous la pression de la droite et de l’extrême droite, la majorité macroniste a accepté de durcir les conditions d’accès à certaines aides sociales pour les immigrés. La version finale de la loi « immigration », votée par les parlementaires mardi 19 décembre, acte le fait que les allocations familiales, les aides au logement et le droit au logement ne leur seront désormais accessibles qu’après cinq ans de présence sur le territoire (ou deux ans et demi pour ceux qui travaillent).

Une « victoire idéologique du Rassemblement national », s’est félicitée Marine Le Pen, qui y voit la consécration de l’idée de « priorité nationale » défendue depuis quatre décennies par son parti, à grand renfort d’infox et de contre-vérités sur la réalité des prestations sociales versées aux immigrés.

Pour y voir plus clair, Les Décodeurs du Monde dressent le tableau des principales aides auxquelles peuvent prétendre les immigrés en France, et vous expliquent ce que la nouvelle loi va changer.

1 | Les minima sociaux

Sans-papiers

• Aucune prestation ne leur est proposée.

Demandeurs d’asile

• Ils peuvent bénéficier d’une allocation de demandeur d’asile (ADA) pendant toute la durée du traitement de leur dossier (dix mois en moyenne avec recours).

Cette allocation s’élève à 207 euros par mois pour une personne seule, et peut monter jusqu’à 1 138 euros pour un foyer de dix personnes. Elle peut en outre être majorée de 225 euros si le demandeur n’a pas pu bénéficier d’une solution d’hébergement de l’Etat.

Cette allocation permet d’assurer leur subsistance et de compenser l’interdiction qui leur est faite de travailler légalement avant un délai de six mois (même si certains peuvent travailler au noir).

Le versement de l’ADA s’arrête à la fin de la procédure de demande d’asile, quelle qu’en soit l’issue, ou si le demandeur quitte le territoire français. Il peut aussi être suspendu de façon anticipée en cas de fraude, de manquement à la loi de la part du bénéficiaire (par exemple un comportement violent) ou de refus d’un hébergement proposé par l’Etat.

Etrangers en situation régulière

• Ils peuvent prétendre au revenu de solidarité active (RSA) s’ils possèdent depuis au moins cinq ans un titre de séjour permettant de travailler en France. Ce délai de carence est supprimé pour les titulaires d’une carte de résident, les réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire, ainsi que pour les immigrés européens de longue durée, qui peuvent le toucher immédiatement.

Les étrangers en situation régulière sont par ailleurs soumis aux mêmes conditions d’attribution du RSA que les Français (avoir plus de 25 ans ou être un jeune actif, ne pas dépasser un certain plafond de ressources, etc.).

Le RSA s’élève à 607,75 euros par mois pour une personne seule, et ne peut pas se cumuler avec d’autres aides.

Selon les derniers chiffres publics, qui remontent à la période 2015-2017, les étrangers extra-européens représentent entre 14 % et 16 % des allocataires du RSA.

• Certains étrangers âgés peuvent bénéficier de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA, ex-minimum vieillesse), d’un montant maximal de 961,08 euros par mois pour une personne seule.

Cette allocation est réservée aux réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire, aux ressortissants européens étrangers et aux étrangers qui possèdent depuis au moins dix ans un titre de séjour permettant de travailler en France.

Les étrangers sont par ailleurs soumis aux mêmes conditions d’attribution que les Français (avoir plus de 65 ans, des revenus mensuels inférieurs à 961,08 euros brut, etc.).

Une étude de 2014 évaluait qu’un tiers des bénéficiaires de l’ASPA étaient étrangers.

Français

Il existe dix minima sociaux en France, qui correspondent à des publics spécifiques.

Le plus universel d’entre eux est le revenu de solidarité active (RSA) : une allocation de 607,75 euros par mois (pour une personne seule) versée à 1,9 million d’allocataires sous conditions de ressources, qui s’adresse aux plus de 25 ans ou aux jeunes majeurs actifs.

L’allocation adulte handicapé (AAH), versée à près de 1,3 million de bénéficiaires, s’élève à 971,37 euros par mois pour les personnes sans ressources.

L’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA, ex-minimum vieillesse), versée à plus de 660 000 seniors de plus de 65 ans, s’élève à 961,08 euros par mois.

2 | La protection santé

Sans-papiers

• Ils peuvent bénéficier d’une prise en charge gratuite des principaux soins médicaux au titre de l’aide médicale d’Etat (AME). Tous les frais qui dépassent le plafond Sécurité sociale (par exemple pour les soins optiques ou dentaires) restent à leur charge.

L’AME (qui n’existe pas à Mayotte) est théoriquement réservée aux immigrés présents depuis trois mois en France et sous condition de ressources, mais ces critères sont difficiles à vérifier dans les faits. Fin 2023, quelque 450 000 étrangers en situation irrégulière en bénéficiaient.

L’AME a une vocation humanitaire, en prenant en charge les soins vitaux de personnes démunies. Mais c’est aussi un enjeu de santé publique : ne pas traiter ces patients pourrait favoriser la propagation d’affections contagieuses, comme la tuberculose. Selon le rapport récent de Claude Evin et Patrick Stefanini, le non-recours à l’AME accroît aussi la pression sur le système hospitalier en orientant les sans-papiers non bénéficiaires vers « le seul dispositif des soins urgents et vitaux ».

Demandeurs d’asile

• La protection universelle maladie (PUMA), qui s’est substituée à la CMU, leur permet de bénéficier gratuitement de la part remboursée par la Sécurité sociale, à l’instar des Français du régime général. Les personnes majeures doivent résider en France depuis trois mois.

• Au bout de trois mois de présence en France, et sous condition de ressources, ils ont également accès à la complémentaire santé solidaire (C2S) pendant un an pour financer le reste à charge. La demande doit être renouvelée tous les ans.

Etrangers en situation régulière

• Avec ou sans emploi, les étrangers peuvent bénéficier de la protection maladie universelle (PUMA), qui prend en charge la part remboursée par la Sécurité sociale.

• Au bout de trois mois de présence en France, et sous condition de ressources, ils peuvent aussi être couverts par la complémentaire santé solidaire pour le reste à charge.

• Certains Européens restent par ailleurs rattachés à la sécurité sociale de leur pays d’origine.

Français

• Avec ou sans emploi, les Français peuvent bénéficier de la protection universelle maladie (PUMA), qui prend en charge la part remboursée par la Sécurité sociale.

• Sous condition de ressources, ils peuvent aussi être couverts par la complémentaire santé solidaire pour les restes à charge.

3 | L’hébergement et le logement

Sans-papiers

• Jusqu’alors, ils pouvaient bénéficier de l’hébergement d’urgence au même titre qu’un Français.

Ce que change la nouvelle loi « immigration »

Les clandestins visés par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) n’auront plus le droit à l’hébergement d’urgence, sauf situation de détresse grave.

Demandeurs d’asile

• Plusieurs types de structures peuvent les héberger le temps de l’examen de leur demande d’asile. Il s’agit principalement de centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA), mais aussi d’hébergements d’urgence.

Dans tous les cas, cette situation est difficilement comparable avec le fait d’être locataire ou propriétaire d’un logement traditionnel. Les personnes hébergées en CADA sont parfois amenées à partager certaines pièces de vie avec d’autres personnes ou familles. Si l’asile leur est refusé, les demandeurs doivent quitter leur hébergement au bout d’un mois. S’il est accordé, ils doivent le quitter au bout de six mois.

Les adultes qui n’ont pas pu bénéficier d’une solution d’hébergement de l’Etat voient leur allocation de demandeur d’asile (ADA) majorée de 225 euros par mois pour se loger.

Etrangers en situation régulière

• Jusqu’alors, ils pouvaient bénéficier des aides au logement (APL, ALF et ALS), demander un logement social et faire valoir leur droit au logement opposable, au même titre que les Français, sous condition de ressources.

Ce que change la nouvelle loi « immigration »

 

Les aides au logement ne seront désormais accessibles aux étrangers qu’après cinq ans de présence sur le territoire (ou trois mois de travail en France). Les étudiants étrangers bénéficieront toutefois d’une exception et conserveront l’accès immédiat à ces aides.

Le droit au logement opposable ne sera désormais accessible aux étrangers qu’après cinq ans de présence sur le territoire (ou deux ans et demi pour ceux qui travaillent).

Les réfugiés et les titulaires d’une carte de résident de dix ans bénéficieront d’une exception et conserveront un accès immédiat aux aides et au droit au logement.

• Les étrangers disposant d’un titre de séjour peuvent aussi bénéficier de l’hébergement d’urgence au même titre qu’un Français.

Français

Ils peuvent bénéficier des différentes aides au logement (APL, ALF et ALS), demander un logement social et faire valoir leur droit au logement opposable, sous condition de ressources.

Ils peuvent aussi bénéficier de l’hébergement d’urgence.

4 | Les prestations familiales

Sans-papiers

Aucune prestation ne leur est proposée.

Demandeurs d’asile

Aucune prestation spécifique ne leur est proposée. En revanche, le montant de l’allocation de demandeur d’asile (voir plus haut) augmente avec le nombre d’enfants (environ 103 euros mensuels supplémentaires par enfant).

Etrangers en situation régulière

Jusqu’alors, ils pouvaient bénéficier des prestations familiales au même titre que les Français, à condition que leurs enfants vivent avec eux en France et qu’ils soient nés en France ou arrivés de manière régulière.

Ce que change la nouvelle loi « immigration »

 

Les prestations familiales ne seront désormais accessibles aux étrangers qu’après cinq ans de présence sur le territoire (ou deux ans et demi pour ceux qui travaillent).

Cette limitation ne s’appliquera toutefois ni aux réfugiés, ni aux titulaires d’une carte de résident de dix ans, et ne concernera pas l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et l’allocation versée en cas de décès d’un enfant.

Français

Les citoyens français dont le foyer comporte au moins deux enfants peuvent bénéficier des allocations familiales. D’autres prestations spécifiques sont aussi disponibles.

5 | Les transports

Sans-papiers

La loi contraint les organismes de transports de certaines régions à accorder une réduction de 50 % aux personnes les plus démunies, qu’elles soient en France de manière régulière ou pas.

Par exemple, en Ile-de-France, en 2015, quelque 110 000 étrangers en situation irrégulières affiliés à l’aide médicale d’Etat bénéficiaient de cette réduction sur les tickets unitaires, les forfaits mois ou semaine.

Demandeurs d’asile

Ils peuvent bénéficier de facilités dans certaines villes ou régions.

Par exemple, en Ile-de-France, ils ont le droit à une réduction tarifaire de 75 %, comme les Français modestes, à condition d’être affiliés à la « complémentaire santé solidaire sans participation financière ».

Etrangers en situation régulière

Les plus modestes peuvent généralement bénéficier des tarifs sociaux pour les transports offerts par les villes ou les régions, au même titre que les Français.

Par exemple, en Ile-de-France, ils ont le droit à une réduction tarifaire de 75 %, à condition d’être affiliés à la « complémentaire santé solidaire sans participation financière », ou à l’« allocation de solidarité spécifique ».

Français

Certaines villes ou régions proposent des tarifs sociaux pour les transports aux personnes les plus modestes.

Par exemple, en Ile-de-France, elles ont le droit à une réduction tarifaire de 75 %, à condition d’être affiliées à la « complémentaire santé solidaire sans participation financière ».

En résumé

Clandestin Dem. d’asile Etranger régulier Français
Minimas sociaux ADA : 207 € RSA : 608 €, ASPA (10 ans de résidence) RSA : 608 €, ASPA
Santé AME : protection maladie de base Protection maladie complète (PUMA + C2S) Protection maladie complète (PUMA + C2S) Protection maladie complète (PUMA + C2S)
Logement Hébergement d’urgence (sauf si OQTF) Centre d’accueil ou 225 € par mois Hébergement d’urgence, aides au logement (5 ans de résidence ou 3 mois de travail) ou logement social Hébergement d’urgence, aides au logement ou logement social
Famille ADA : 103 € par enfant Allocations familiales si les enfants sont résidents (5 ans de résidence ou 2,5 ans de travail) Allocations familiales
Transport 50 % de réduction dans les métropôles (si AME) 75 % de réduction dans les métropôles (sous condition de ressources) 75 % de réduction dans les métropôles (sous condition de ressources) 75 % de réduction dans les métropôles (sous condition de ressources)

 

En rouge : les modifications introduites par la nouvelle loi « immigration ».

Source : Le Monde – (Le 20 décembre 2023)

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page