Le Hannibal noir de Netflix enflamme la polémique en Tunisie

Le choix de l’acteur afro-américain Denzel Washington pour interpréter le célèbre général carthaginois déchaîne les réseaux sociaux et s’invite au Parlement.

Le Monde  – La polémique n’a pas attendu le premier jour de tournage. En Tunisie, l’annonce de la prochaine réalisation d’un film sur le général carthaginois Hannibal Barca divise. La cause principale est le choix de l’acteur américain Denzel Washington pour incarner ce personnage historique.

Pour certains, le célèbre comédien afro-américain serait trop âgé mais surtout trop noir pour représenter Hannibal. Au-delà des réactions sur le casting du film qui sera réalisé par Antoine Fuqua, mais dont ni les dates de tournage ni de diffusion sur Netflix ne sont connues, le scénario est aussi un motif d’inquiétudes pour les Tunisiens, déterminés à préserver l’image qu’ils se font de celui qui est considéré comme l’un des plus grands stratèges militaires de l’histoire, mort entre 183 et 181 avant J.-C.

Le débat, engagé sur les réseaux sociaux et dans certains médias, est arrivé jusqu’au Parlement. Jeudi 30 novembre à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), alors que le budget du ministère des affaires culturelles était en discussion en séance plénière dans le cadre de la loi de finances 2024, le député Yassine Mami a interpellé la ministre Hayet Ketat Guermazi sur le projet de Netflix. « On n’a aucune information sur le contenu. Il y a un risque de falsification de l’histoire, dit-il. Le ministère devrait avoir une position sur le sujet. » Pour M. Mami, également président de la commission du tourisme, de la culture et des services, il est ici question de « défendre l’identité tunisienne » et d’entendre « les réactions de la société civile ».

« Propager l’idéologie afrocentriste »

 

« C’est de la fiction, c’est leur droit. Hannibal est un personnage historique, même si on est tous fiers qu’il soit Tunisien […] Qu’est-ce qu’on pourrait faire ? », a rétorqué la ministre de la culture, qui voit dans cette superproduction américaine une opportunité de donner de la visibilité à son pays. « Ce qui m’importe est qu’ils puissent tourner ne serait-ce qu’une séquence en Tunisie et que ce soit mentionné, dit-elle. Nous voulons que la Tunisie redevienne une plateforme de tournage de films étrangers. »

Par le passé, le pays a en effet accueilli de nombreux tournages comme celui des Aventuriers de l’arche perdue, de Steven Spielberg, du Patient anglais d’Anthony Minghella ou encore des quatre premiers volets de la saga Star Wars de George Lucas. Contrairement au Maroc, devenu une destination en vogue pour la production cinématographique, la Tunisie n’a pas su capitaliser sur son expérience.

Sur les réseaux sociaux, certaines réactions flirtent avec le racisme. Une pétition signée par plus de 1 300 personnes « exhorte Netflix à annuler son “pseudo-documentaire” » et appelle le ministère de la culture à « adopter une législation visant à protéger et à promouvoir notre culture, et d’agir contre cette tentative de voler notre histoire ». Les auteurs accusent ainsi la plateforme de vidéos à la demande de vouloir soutenir le « raciste mouvement afrocentriste » en prétendant qu’Hannibal était noir pour servir à « propager leur idéologie ».

Le quotidien francophone tunisien La Presse reprend la même rhétorique affirmant que « l’idée que Denzel Washington puisse interpréter Hannibal ne séduit guère de nombreux critiques », qui considèrent que ce serait une « erreur historique » de dépeindre Hannibal comme un Africain noir alors qu’il serait un « Blanc sémite ».

Cette accusation d’« afrocentrisme » avait déjà été largement utilisée en Egypte lors de la diffusion du documentaire fiction la Reine Cléopâtre incarnée par une actrice noire, la Britannique Adele James. Le ministère égyptien du tourisme et des antiquités avait alors certifié que Cléopâtre, décédée il y a plus de deux mille ans, avait la « peau blanche et des traits hellénistiques ». La Tunisie n’était en revanche jusqu’ici jamais entrée dans ces querelles.

Lire la suite

 

(Tunis, correspondante)

Source : Le Monde

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page