Les rêves d’Afrique en sons et en images de Baloji

Le Belgo-Congolais a plus d’une corde à son art. La mode, la musique, le cinéma… Après trois albums, le rappeur a réalisé son premier long-métrage. Dans « Augure », choisi pour représenter la Belgique aux Oscars, il met en scène une Afrique fantasmée au réalisme magique.

M Le Mag – Avant la sortie de son premier long-métrage, Augure, sur les écrans, le 29 novembre, le réalisateur Baloji enchaîne les avant-premières et les festivals en Europe et fait campagne pour les Oscars : il représente la Belgique pour le prix du meilleur film étranger.

Son film choral, qui raconte le parcours de quatre Congolais aux prises avec la tradition et les procès en sorcellerie, a déjà remporté plusieurs récompenses. En mai, à Cannes, dans la sélection Un certain regard, il gagnait le Prix de la nouvelle voix, puis en août celui de la mise en scène au Festival du film francophone d’Angoulême. Pas mal pour un rappeur qui, jusque-là, n’avait réalisé que des courts-métrages, le premier pour illustrer sa chanson, Peau de chagrin – Bleu de Nuit, puis les suivants, Kaniama Show et Zombies, avant de plonger dans le grand bain du cinéma.

 

L’ancien membre du groupe belge de hip-hop Starflam mène depuis plus de quinze ans une carrière solo atypique, avec une exigence visuelle hors norme et des albums aussi variés que rares, du très soul Hotel Impala (2007) et sa version africaine, Kinshasa Succursale (2011), au affiné 137 avenue Kaniama (2018). Fin novembre, il publiera les premières chansons des quatre EP, qui porteront le nom de chacun des personnages de son film : Koffi, Paco, Tshala et Mama Mujila.

Non content d’être un artiste protéiforme, Baloji est aussi mannequin. Et, plutôt que d’être présent au premier rang des défilés, il s’incruste dans les ateliers des grandes maisons pour étudier les tissus, les matières, ce qui lui a permis de fabriquer, avec sa complice Elke Hoste, les costumes de son film dont il expose jusqu’en juin 2024 les prototypes au Musée de la mode d’Anvers.

Casser les clichés

Malgré un premier film qui se présente donc sous d’heureux auspices, Baloji semble pessimiste. Son séjour à Los Angeles en octobre l’a rassuré sur l’accueil du film aux Etats-Unis, mais, quant à pouvoir être dans la course aux Oscars, il se fait peu d’illusions : « Les membres de l’Académie ont quatre-vingt-dix films étrangers à regarder, résume-t-il dans une chambre d’hôtel à Bruxelles. C’est compliqué d’attirer l’attention et, en face, il n’y a que des légendes, des grands maîtres : Aki Kaurismäki qui en est à son vingt-cinquième film et qui concourt pour la Finlande, Wim Wenders [sélectionné par le Japon]… »

En dépit de son prix sur la Croisette, il est encore sceptique sur l’accueil que peut lui réserver la France : « Si j’arrive à rester deux semaines sur les écrans, je serai content. » Baloji craint que le public ne soit dérouté par son film qui met l’accent sur le merveilleux, ce que lui appelle le « réalisme magique », mélange des contes des frères Grimm et des superstitions africaines.

Son décor est une mégapole africaine fantasmée et proche des mines. Ses héros sont de vieux mineurs qui chantent Les Corons, de Pierre Bachelet, une jeune femme, Tshala, pionnière du polyamour, Paco, le leader d’un gang d’enfants des rues vêtus de tutus roses, et puis Mama Mujila, une mère dure, prisonnière du patriarcat, qui refuse d’allaiter son enfant : « La majorité du cinéma africain est financée par la France, explique le réalisateur de 45 ans, il y a une espèce d’esthétique qui est valorisée et clamée, ce que mon film déconstruit complètement. Un gang de shégués [mot lingala désignant les enfants des rues à Kinshasa] n’est pas censé s’habiller en robes roses. La géographie de mon film est aussi irréelle. Les mines ne sont pas proches de Kinshasa. Dans la réalité, il y a 2 000 kilomètres de distance avec la ville minière de Lubumbashi, c’est comme faire Barcelone-Copenhague. On n’est pas du tout dans des codes d’un cinéma naturaliste, très contemplatif, très lent, ou d’un cinéma très factuel sur des éléments historiques. »

 

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Source : M Le Mag – (Le 19 novembre 2023)

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