En Afrique, « le rythme de progression du diabète est effrayant »

Obésité, sédentarité, insécurité alimentaire, mais aussi sous-diagnostic ont favorisé l’expansion de la maladie. Un enjeu de santé publique pour le continent, décrypte Baye Oumar Guèye, de l’Association sénégalaise de soutien aux diabétiques.

Le Monde  – En Afrique, plus d’un diabétique sur deux est un malade qui s’ignore. Le thème du dépistage et de la prévention, qui touche d’autres régions du globe, a donc été choisi par les Nations unies, mardi 14 novembre, pour la Journée mondiale dédiée à la maladie. Car les prévisions scientifiques sont très pessimistes : d’ici à 2050, le nombre de diabétiques aura triplé depuis 1990, notamment en raison de l’augmentation du surpoids et de l’obésité mais aussi à cause de la progression de l’insécurité alimentaire.

Sur le continent, 24 millions de personnes étaient atteintes par la maladie en 2021, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Un chiffre qui devrait plus que doubler d’ici à 2045. Le diabète, qui a tué 416 000 Africains en 2022, pourrait devenir l’une des principales causes de décès à la fin de la décennie. Au Maghreb, les taux risquent de dépasser les 20 %.

Baye Oumar Guèye est le secrétaire général l’Association sénégalaise de soutien aux diabétiques (Assad), créée en 1967 et reconnue d’utilité publique en 1982 qui compte aujourd’hui environ 45 000 membres et est présente sur tout le territoire sénégalais. Pour lui, si le continent a fait d’énormes progrès, « les Etats doivent prendre à bras-le-corps la santé de leur population de manière globale », car « le fardeau des maladies non transmissibles va devenir un fardeau économique. C’est toute la question de la productivité et du développement qui sont en jeu ».

 

Le diabète de type 2 est associé au surpoids et, jusque-là, en Afrique, on savait surtout le Maghreb très touché. Pourquoi le reste du continent n’est plus épargné ?

 

Baye Oumar Guèye La mondialisation y a importé des modes de vie très urbanisés avec du stress, de la sédentarité, une alimentation trop riche en sucres et en sel. Le diabète de type 2, qui concerne 9 malades sur 10, se développe généralement après 40 ans. Il est dû à une mauvaise utilisation par le corps de l’insuline. Le surpoids, l’obésité, l’inactivité physique, la consommation de tabac et d’alcool en sont les causes principales. C’est donc une maladie évitable par une bonne hygiène de vie et une alimentation saine.

Cette mondialisation a dérégulé les marchés économiques et mais aussi les repas, qui étaient construits autour des céréales. Aujourd’hui, nos étals et nos supermarchés sont envahis de produits importés d’industries à la force de frappe publicitaire mensongère. Dans nos grandes villes, on mange désormais de manière désordonnée. Tout le continent est touché par cette mondialisation des maladies non transmissibles qui y sont associées : diabète, mais aussi hypertension, pathologies cardiovasculaires, cancers, etc.

 

Les zones rurales du continent sont-elles touchées ?

 

Oui, malheureusement. La région de Saint-Louis, à la fois urbanisée et immédiatement rurale en périphérie, est un bon exemple. L’enquête épidémiologique réalisée au Sénégal en 2015 a révélé qu’elle était beaucoup plus atteinte qu’on ne pensait. Au niveau national, on avait un taux de diabète de 3,5 % pour les moins de 65 ans et de 7,5 % pour les plus âgés. A Saint-Louis, le taux grimpait à 11 %.

Ces chiffres démontrent que cette « épidémie » est partout, malgré les fortes disparités qui peuvent exister. Je ne prends pas beaucoup de risques à vous dire que la nouvelle enquête, en cours, va annoncer une situation dégradée. Ce que nous craignions est en train de se produire, le rythme de progression du diabète est effrayant. C’est devenu un énorme enjeu de santé publique.

 

Sur le continent, entre 2011 et 2021, le diabète de type 1 touchant les enfants jusqu’à 19 ans a été multiplié par cinq. Comment expliquer cette explosion ?

 

La science n’a pas encore pu résoudre la question de l’origine du diabète de type 1 qui, rappelons-le, est dû à une production insuffisante d’insuline par le pancréas et touche surtout les enfants et les adolescents. Ce diabète-là est n’est pas évitable. Nous ne pouvons donc que constater de manière empirique cette explosion et dire les fortes présomptions que ce type de diabète doit aussi être favorisé par les facteurs environnementaux. Là encore, le manque d’activité physique et une mauvaise alimentation sont suspectés. D’ailleurs, le surpoids et l’obésité gagnent aussi l’enfance, et ce partout dans le monde.

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Source : Le Monde 

 

 

 

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