
Ghana est l’un des derniers pays au monde à compter encore des prisons à ciel ouvert pour « sorciers ». Six camps de fortune, tous situés dans le nord du pays, où les personnes accusées de sorcellerie sont cantonnées dans des conditions de misère extrême. Les exclus, envoyés dans ces réserves par leur famille pour leur éviter d’être lynchés, y restent jusqu’à la fin de leurs jours, sans encadrement officiel ni aide de l’Etat.
– LeElles seraient 500 aujourd’hui selon Amnesty International, 870 d’après le groupe de réflexion interconfessionnel Sanneh Institute qui les a recensées en 2021. Des femmes dans 90 % des cas, souvent âgées, veuves ou célibataires. Toutes victimes d’un ostracisme auquel le Parlement ghanéen entend bientôt mettre fin.
Ce dernier a voté le 27 juillet une proposition de loi, portée par le député d’opposition Francis-Xavier Kojo Sosu, visant à protéger les personnes accusées de sorcellerie, en requalifiant en crime leur maltraitance ou leur bannissement de la communauté. Le texte doit désormais être ratifié par le président Nana Akufo-Addo, à qui les organisations de la société civile qui travaillent dans les camps vont envoyer, dans les jours à venir, une lettre ouverte pour l’alerter sur l’urgence de la situation.
Le vote au Parlement en juillet a eu lieu trois ans, presque jour pour jour, après la mort violente et très médiatisée d’Akua Denteh à Kafaba, dans la région des Savanes dans le nord du pays. La victime, dont les médias locaux ont estimé l’âge à plus de 90 ans, avait été accusée de sorcellerie par une prêtresse traditionnelle. Son crime supposé : avoir jeté un maléfice pour empêcher la pluie de tomber.
Lynchages
Une vidéo devenue virale montrait Akua Denteh se faire torturer à mort par deux femmes, dont la prêtresse elle-même, sur la place du village à coups de poing, de fouet et de pierre. Son calvaire a duré plusieurs heures devant une assistance qu’on entend par moments acclamer les bourrelles. L’assassinat, qualifié de « barbare » par le président Nana Akufo-Addo, s’est soldé par l’arrestation de sept personnes.
Les deux meurtrières ont été condamnées en juillet à douze ans de prison, mais les cinq autres accusés, dont le chef du village de Kafaba, ont été acquittés de toutes les charges qui pesaient sur eux. Les spectateurs du lynchage, qui apparaissent pourtant à visage découvert sur la vidéo, n’ont pas été inquiétés. Le cas d’Akua Denteh n’est pas isolé. Deux personnes ont été lynchées le 7 mai à Zakpalsi, dans le district de Mion, dans le nord-est du pays.
Dans la plupart des cas, ces violences restent impunies. « La loi est mal appliquée au Ghana de manière générale, et d’autant plus quand les victimes sont issues des populations rurales pauvres. De plus, l’accusation de sorcellerie est généralement formulée par un membre de la famille de la victime, donc la famille et le village ont tendance à faire pression pour étouffer l’affaire. La proposition de loi veut élargir la responsabilité pénale à tous les acteurs de ce genre de procès populaire », explique John Azumah, directeur exécutif du Sanneh Institute, qui préside une coalition d’organisations de la société civile qui ont travaillé sur le texte et milité pour son adoption.
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