A Francfort, l’autrice palestinienne Adania Shibli privée de prix

En décidant de « reporter » la distinction qu’elle devait décerner à l’écrivaine pour son livre « Un détail mineur », la foire du livre de Francfort a divisé le monde de l’édition.

M Le Mag – La guerre a résonné jusqu’à la Foire du livre de Francfort. Au lendemain des attaques du Hamas contre Israël, toutes les activités de l’autrice palestinienne Adania Shibli à ce rendez-vous majeur de l’édition internationale, qui s’est déroulé du 18 au 22 octobre, ont été annulées. Le prix LiBeraturpreis 2023 qu’elle devait recevoir a été « reporté » et sa rencontre avec le public retirée du programme afin de rendre « les voix israéliennes particulièrement audibles », selon la direction du ­festival.

L’écrivaine n’a pas pris la parole sur le sujet, refusant pour l’instant de réagir à cette annonce qui a entraîné la consternation d’une grande partie du monde de l’édition, la défection des éditeurs arabes à Francfort et provoqué un regain d’intérêt pour son œuvre, notamment pour son dernier roman, paru en 2020, Un détail mineur (Actes Sud) – son troisième ouvrage traduit en français.

Dans une pétition publiée notamment dans Le Monde, plus de 1 600 personnes à ce jour, dont trois Prix Nobel de littérature (Olga Tokarczuk, Abdulrazak Gurnah, Annie Ernaux), ont voulu montrer leur soutien à Adania Shibli – dont les livres sont traduits dans le monde entier (elle figurait parmi les finalistes pour le Booker Prize en 2021). En Allemagne, deux ­lectures publiques de son roman se sont tenues à Berlin et Francfort. Sur les réseaux sociaux, de nombreux lecteurs postent des photos de son roman en signe de solidarité.

Comment se réjouir de l’intérêt porté à un livre lorsqu’il survient dans des conditions tragiques ? « Je me sens amère, réagit Stéphanie Dujols, la traductrice française d’Adania Shibli. Il aura fallu attendre que l’autrice soit ­indignement censurée et qu’un “génocide” [un terme que Stéphanie Dujols tient à employer] ait lieu à Gaza pour qu’on s’intéresse à ce livre en France. » Ce « roman très puissant » paru en 2020 est passé totalement ­inaperçu en France. « On a joué de malchance [les librairies ont fermé à ce moment-là], mais j’ai aussi l’impression qu’il a été passé sous silence. C’est un livre qui est sans doute dérangeant pour certains. »

Le martyre d’une jeune fille

Revenons soixante-dix ans en arrière, au 12 août 1949, sous un soleil écrasant, quelque part dans le désert du Néguev. Ce jour-là, un groupe de soldats israéliens enlève une très jeune bédouine – son âge est incertain, certains diront qu’elle n’avait pas 15 ans, d’autres la décrivent à peine plus âgée. Conduite dans un camp militaire, elle est enfermée dans une cabane. Trois hommes la violent. Le soir, au cours d’un dîner joyeux et arrosé, les soldats, encombrés par sa présence, scellent son sort par un vote. Qui est pour l’envoi de la fille en cuisine ? « On veut la baiser ! » hurlent-ils. L’adolescente, dont on ne connaît pas le nom, est à nouveau violée par plusieurs hommes. Le lendemain, ils la tuent par balles avant d’abandonner son corps dans le désert.

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Source : M Le Mag

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