Des journalistes de chaînes occidentales mis à l’écart pour des messages personnels suspectés de justifier l’action du Hamas

Plusieurs journalistes de la BBC en arabe font l’objet d’une enquête par la maison mère à la suite d’un article du « Daily Telegraph » qui les accuse de « justifier le meurtre de civils ».

L’Orient Le Jour  – La polarisation radicale de l’opinion publique mondiale depuis l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre et le déclenchement de la riposte israélienne dans la bande de Gaza a engendré dans la foulée une nouvelle polémique impliquant des journalistes – généralement arabes et/ou musulmans – dans des médias occidentaux. Des cas de mise à l’écart de journalistes par leurs directions, suite à des prises de position personnelles sur les réseaux sociaux et considérés comme « antisémites » ou contraires à leur charte, ont déjà fait grand bruit.

Le cas le plus frappant est celui de la BBC, qui a ouvert une enquête sur six journalistes de BBC Arabic, dont des tweets, retweets ou « like » susceptibles d’être contraires aux règles internes de la chaîne, sur un signalement du département arabe de l’organisation américaine Camera, qui se présente comme « destinée à promouvoir une couverture précise et équilibrée sur Israël et le Moyen-Orient », et a déjà interpellé plusieurs médias anglo-saxons (comme la BBC ou CNN) pour leur couverture depuis le début du conflit.

Si cette ONG se présente comme « non-partisane » et « ne prenant pas position par rapport aux questions politiques intéressant les États-Unis et Israël, ou concernant les solutions au conflit israélo-palestinien », beaucoup expriment de sérieux doutes sur cette neutralité affichée. Dans un long article publié en 1993 dans le Washington Report https://www.wrmea.org/1993-july-august/Camera-and-flame-pressuring-u.s.-media.html, le journaliste et lauréat du prix Pulitzer Mitchell Kaidy dénonce par exemple l’influence exercée par Camera sur certains médias américains et son manque d’objectivité : « Pour Camera, il n’y a pas de zones grises au M-O. Les musulmans sont les méchants parce qu’ils sont musulmans, et ils haïssent les juifs parce qu’ils sont juifs », écrivait-il.

Dans un article publié le 14 octobre courant et révélant l’affaire https://www.telegraph.co.uk/world-news/2023/10/14/bbc-arabic-reporters-back-hamas-anti-israel-bias/, le journal britannique Daily Telegraph détaille par le menu les propos ou actes reprochés aux salariés de la BBC Arabic. L’un d’eux, un reporter « senior » du Caire, a par exemple mentionné dans un tweet « des soi-disant civils (israéliens) armés se tenant à côté de la police ».

Une autre pigiste a « aimé » un tweet où il est écrit que « tout membre de l’entité sioniste a servi dans l’armée à un moment ou à un autre », tandis que deux de leurs confères se voient reprocher d’avoir « aimé » des tweets qualifiant respectivement l’attaque du Hamas d’« opération de qualité par la résistance palestinienne ». Une journaliste senior n’a fait que partager une information factuelle sur des Israéliens fuyant leurs assaillants. Le message était accompagné du hashtag « promesse de l’au-delà », que le journal britannique a interprété comme une « référence coranique au meurtre des juifs ».

Sollicitée, la BBC, à travers un porte-parole, a déclaré à L’OLJ « mener une enquête urgente sur la question ». « Nous prenons les allégations de violation de nos lignes directrices éditoriales et relatives aux réseaux sociaux avec le plus grand sérieux, et si nous constatons des violations, nous agirons, y compris en prenant des mesures disciplinaires. »

Certains journalistes (qui ont préféré rester anonymes) indiquent par ailleurs à L’OLJ avoir reçu oralement la décision de leur suspension dans un premier temps, avant d’être informés par e-mail qu’ils n’étaient en fait « pas suspendus mais relégués au travail hors antenne » et qu’une « enquête était ouverte », sans qu’ils n’aient pu encore en connaître la teneur ou être auditionnés. Ces derniers dénoncent par ailleurs le fait que la chaîne a autorisé la publication de leurs noms et photos par le Daily Telegraph, ce qui les présente comme des figures pro-Hamas, qu’ils le soient ou pas, et les expose à des critiques, voire des menaces.

Cette affaire intervient alors que la BBC essuie depuis le début du conflit de nombreuses critiques sur sa couverture, aussi bien par plusieurs personnalités politiques britanniques et des lobbys pro-israéliens, pour le fait que ses journalistes ne qualifient pas le Hamas de « terroriste » https://www.telegraph.co.uk/politics/2023/10/12/bbc-hamas-terrorists-culture-secretaries-sajid-javid/, que par des groupes propalestiniens qui critiquent « une couverture biaisée » du conflit..

Lire la suite

 

 

 

Suzanne BAAKLINI

 

 

 

 

Source : L’Orient Le Jour (Liban)

 

 

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page