Assis sur une chaise en plastique plantée sur le bord de la pelouse du stade Amadou-Barry de Guédiawaye, en banlieue de Dakar, Samba Thiam regarde les joueurs s’affronter autour du ballon rond en cette troisième journée de phase de poules des navétanes, un championnat de football amateur très populaire qui se déroule pendant la saison des pluies. Derrière lui, les supporteurs hurlent des chants de soutien au rythme des sabars (des percussions sénégalaises).
« Le 26 août dans ces mêmes gradins, des supporteurs ont aussi chanté pour Ousmane Sonko. Malheureusement, cela a dégénéré avec la police, qui a lancé des gaz lacrymogènes », relate le président de la zone 2 des navétanes de Guédiawaye. Les vidéos des supporteurs survoltés, habillés de vert et blanc, chantant « Sonko namenala » (« Sonko tu nous manques », en wolof), ont fait le tour des réseaux sociaux. Depuis, ce phénomène de « sonkorisation » des matchs se propage à travers le pays.
Emprisonné depuis fin juillet, l’opposant Ousmane Sonko risque de ne pas pouvoir se présenter à l’élection présidentielle prévue en février 2024 depuis sa radiation des listes électorales suite à sa condamnation à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse », le 1er juin. Les manifestations de l’opposition étant systématiquement interdites depuis plusieurs mois, ses sympathisants ont trouvé d’autres moyens pour afficher leur soutien. Notamment dans les stades de football, où la politique s’invite dans les gradins.
Des « magouilles » de la fédération ?
La séquence la plus visible a été le match amical entre le Sénégal et l’Algérie, le 12 septembre, lorsque des supporteurs ont scandé, dans l’enceinte du stade Abdoulaye-Wade de Diamniadio, des chants pro-Sonko avant le coup d’envoi. « Nous avons contourné les autorités pour nous faire entendre. Nous étions joyeux de pouvoir enfin nous exprimer », témoigne Falla, 35 ans, présent le jour du match.
Les chants auraient même pu résonner plus fort. Beaucoup de supporteurs n’ayant pas réussi à obtenir leur billet ont dénoncé des « magouilles » de la Fédération sénégalaise de football (FSF), celle-ci étant largement composée de personnes affiliées au parti du président Macky Sall, comme Abdoulaye Sow, ministre de l’urbanisme et vice-président de l’instance. « Nous avons l’impression que la FSF cherchait à éviter que le stade de Diamniadio serve de lieu où des slogans pro-Sonko se fassent trop entendre, mais cela a été un échec », estime Mansour Ndao, le porte-parole des Ultras 221, un groupe de supporteurs qui revendique environ 10 000 membres.
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