Par camions entiers, en moto ou à pied, bravant les trombes d’eau et les chaussées inondées de Monrovia, des centaines de Libériens ont déferlé, dimanche 8 octobre, sur le quartier général du Congrès pour le changement démocratique (CDC), le parti de George Weah, en quête d’un second mandat.
« In George we trust ! » (nous croyons en George), scande un militant drapé dans une étoffe à l’effigie du président sortant. Chants, danses et vuvuzelas ont donné au rassemblement – le dernier avant le scrutin prévu mardi 10 octobre – des allures de match de football. Mais la mobilisation cache mal le désenchantement des Libériens après presque six ans de pouvoir de l’ancienne star du ballon rond.
Pour beaucoup d’électeurs, l’euphorie de la nuit du 26 décembre 2017, qui avait vu le gamin d’un bidonville de Monrovia s’installer sur la plus haute marche du pouvoir, a cédé la place à une amertume teintée de colère. « Comment notre enfant a-t-il pu nous trahir ainsi ? », s’interroge Nestor, un maçon d’une cinquantaine d’années, planté sur la principale artère de la capitale, où défilent les militants pro-Weah enfiévrés. En 2017, il a fait partie de ceux qui ont cru au slogan de George Weah, « le changement pour l’espoir ». « C’était notre premier président, confie l’ouvrier au visage émacié. Il était comme nous. » Comprendre : issu d’une famille pauvre et d’ascendance autochtone.
A l’époque, son élection sonne comme une revanche sur l’histoire, celle de la domination sans discontinuité, pendant plus de cent cinquante ans, de l’élite américano-libérienne, descendante d’esclaves. Envoyés dès 1820 sur les côtes libériennes dans le double but d’évangéliser les populations africaines et de vivre libres, ces Afro-Américains ont instauré un système colonial, faisant tout pour se tenir à l’écart des « natives ».
En 1980, leur pouvoir est mis à bas par un sergent devenu dictateur, Samuel Doe, premier président indigène du pays. Après son assassinat, en 1990, le pays s’enfonce dans une longue guerre civile qui fera au moins 250 000 morts et un million de déplacés. La paix signée en 2003 permet l’élection d’Ellen Johnson Sirleaf deux ans plus tard. L’élection de George Weah en 2017, après deux tentatives infructueuses, marque la première transition pacifique de l’histoire du pays. L’ancien Ballon d’or devenu sénateur promet alors de réparer ce pays mille fois brisé et d’endiguer la pauvreté. Un défi colossal. Mais a-t-il tenté de le relever ?
Une économie sous perfusion
« Weah a axé sa campagne de 2017 sur l’égalité des chances, une idée qui a du sens au vu de notre histoire. Mais il est loin d’avoir tenu ses engagements », explique Eddie Jarwolo, directeur exécutif de Naymote, une organisation qui promeut la bonne gouvernance. Dans son dernier rapport, l’ONG a passé au crible les promesses de campagne. Le verdict est sans appel. « Sur 292 propositions, seules 8 % ont été réalisées. Elles portent essentiellement sur les infrastructures », constate Eddie Jarwolo.
L’économie libérienne, percutée par les chocs successifs des crises sanitaires (Ebola et Covid-19) puis l’inflation liée à la guerre en Ukraine, demeure sous perfusion de l’aide humanitaire, en particulier des Etats-Unis. Depuis la fin de la deuxième guerre civile, le Congrès américain a alloué plus de 2,4 milliards de dollars (environ 2,3 milliards d’euros) d’aide pour soutenir la stabilisation et la bonne gouvernance. Près de 35 % des Libériens survivent toujours avec moins de 2,15 dollars par jour.
Source :
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com