Ousmane Diagana : « À Marrakech, la transformation de la Banque mondiale va être annoncée »

En amont des assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale, du 9 au 15 octobre à Marrakech, Ousmane Diagana, vice-président Afrique de l’Ouest et Afrique centrale de la Banque mondiale, livre son diagnostic sur les sujets brûlants de l’actualité.

Jeune Afrique – Vice-président de la Banque mondiale chargé de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale depuis le 1er juillet 2020, Ousmane Diagana s’apprête à s’envoler pour Marrakech, où les institutions de Bretton Woods – Banque mondiale et FMI – tiennent leur raout annuel. Depuis 50 ans, c’est la première fois que ces assemblées ne s’étaient pas tenues sur le continent.

Au cours d’un entretien accordé à RFI et Jeune Afrique – Ousmane Diagana est le Grand invité de l’économie du mois d’octobre -, le Mauritanien qui œuvre sur le continent depuis plus de 30 ans a évoqué les sujets du financement de la transformation de son institution, la transition énergétique, l’aide aux pays endettés, la crise énergétique, et bien sûr les changements politiques en Afrique.

Jeune Afrique : Alors que vous n’aviez organisé un tel événement en Afrique depuis Nairobi en 1973, vous revenez cette fois à Marrakech – région marquée par une catastrophe naturelle il y a à peine un mois. Pourquoi avoir choisi le continent ?

Le fait de tenir ces assemblées annuelles, hors de Washington, et cette fois-ci en Afrique est un signal, un symbole. Mais en même temps, cela se justifie. L’Afrique n’est pas à la marge du monde, l’Afrique est au centre du monde parce qu’il y a un certain dynamisme et beaucoup de défis. Maintenir les assemblées à Marrakech dans ce contexte difficile est aussi un signe très fort de solidarité envers le Maroc et sa population.

La Banque mondiale va-t-elle soutenir le Maroc, même s’il est évidemment loin d’être le pays le plus pauvre du continent ?

Le Maroc et la Banque mondiale sont partenaires de très longue date. La Banque a toujours été présente au Maroc.

Le pays repose sur un système et une structure administrative extrêmement forts, animés et dirigés par des cadres compétents. Donc le Maroc est un pays qui a toujours été capable de formuler des politiques publiques dont les besoins de financement ont été bien identifiés et bien chiffrés. C’est ce qui lui a toujours permis de bien dialoguer avec la Banque mondiale et aussi avec le Fonds monétaire international (FMI).

À cause de ces problématiques actuelles, qui sont aussi liées aux changements climatiques, il est clair que la Banque mondiale continuera à soutenir ce territoire.

Quelles annonces peut-on attendre de Marrakech ? Augmenter les capacités d’emprunt, les taux préférentiels ?

Évidemment, en tant qu’institution de développement, on va s’intéresser à toutes les questions liées au développement. Mais cette année, ce qui fait le caractère extraordinaire de ces assemblées annuelles, c’est la persistance de certaines crises et l’émergence de nouvelles. Tout ceci demande des réponses rapides et des financements massifs.

L’institution qui est en voie de transformation, depuis la demande de certains de nos administrateurs et l’arrivée de notre nouveau président, va dévoiler ses nouveaux contours. Une démarche qui doit rendre la Banque mondiale meilleure et plus grande.

Comment expliquez-vous, plus de trois ans après la crise sanitaire du Covid-19, la si forte disparité en Afrique entre des pays résilients et d’autres dont l’économie s’effondre aujourd’hui ?

C’est effectivement un constat que je fais quand je regarde les statistiques que nous produisons. Quand il y a eu le Covid, le taux de croissance était pratiquement à zéro pour certains pays, il a même été négatif.

À la faveur des accompagnements divers et variés, mais également des efforts qui ont été accomplis par les pays eux-mêmes en 2022, on a pu atteindre un taux de croissance relativement important en Afrique subsaharienne, jusqu’à 3,6 %. Cette année, il va être un peu plus bas [2,5 %, NDLR.], à cause notamment des instabilités politiques et institutionnelles que nous voyons actuellement.

Même s’il y a des pays qui échappent à cette instabilité, l’agrégation des challenges auxquels les pays sont confrontés, contribue à tirer le continent dans son ensemble vers le bas en termes de croissance économique.

La prochaine Conférence internationale de lutte contre les changements climatiques (COP28) se tiendra à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre. Faire du climat une priorité alors qu’il y a tant de pauvreté et que certains États sont fortement endettés, est-ce toujours cohérent pour vous ?

Personnellement, je ne crois pas à l’effet d’éviction, surtout de la façon dont nous approchons les questions climatiques à la Banque mondiale. Nous n’abordons pas la question climatique comme une problématique de développement à part, nous approchons la question de climat et de développement en même temps.

Depuis que la COP existe, il y a eu beaucoup d’annonces et, à l’échelle mondiale, moins d’actions

Quand on règle les questions climatiques, on règle les questions de développement en même temps.

Dans ces événements, on promet beaucoup de choses, mais peu aboutissent. Les COP sont-elles toujours utiles, notamment pour les pays africains ? 

Je peux comprendre la frustration des pays africains. Depuis que la COP existe, il y a eu beaucoup d’annonces et, à l’échelle mondiale, moins d’actions.

Mais je crois d’abord que c’est toujours une bonne chose d’avoir la communauté internationale et les différents pays, dans toutes leurs composantes, autour d’une même table pour dialoguer.

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Aurélie M’Bida

Source : Jeune Afrique – (Le 07 octobre 2023)

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