Gaza : pourquoi le Hamas a décidé de briser le statu quo et de défier Israël

Pour la première fois depuis la naissance de l’Etat hébreu en 1948, des commandos palestiniens ont mené une attaque coordonnée contre des localités israéliennes, en lisière de Gaza.

Le Monde  – Le Hamas palestinien a mené, samedi 7 octobre à l’aube, un acte de guerre contre Israël d’une violence jamais vue et en ce premier jour d’un nouveau conflit, il triomphe. Il a rempli tous ses buts opérationnels en quelques heures. Il lui reste à subir la réponse israélienne, qui s’annonce massive.

Pour la première fois depuis 1948 et la naissance de l’État d’Israël, des commandos palestiniens – des dizaines d’hommes selon l’armée, 200 à 300 selon un officier de police – ont assailli des villes et des villages et un quartier général de division militaire aux alentours de l’enclave, se sont emparés d’un commissariat. Les combats se poursuivaient encore à 21 heures dans 22 endroits, alors que des combattants du Hamas se barricadaient avec des otages.

Un homme marche le long d’une rue jonchée de débris à Tel Aviv, après qu’elle a été touchée par une roquette tirée depuis la bande de Gaza, le 7 octobre 2023. (Photo par JACK GUEZ / AFP)

Cet assaut a été longuement préparé, mais la surprise est totale : le Hamas, s’inscrivant dans le temps long, inflige au renseignement israélien son pire échec depuis la guerre du Kipour, il y a cinquante ans presque jour pour jour. Il a lancé ses hommes après la prière de l’aube, franchissant en plusieurs points la barrière qui enserre Gaza, et l’enjambant grâce à de petits planeurs motorisés. Un commando a atteint le village de Nizim par la mer.

« C’est le plus grave attentat terroriste de l’histoire d’Israël », juge Eyal Hulata, ancien conseiller à la sécurité nationale. Attentat ou opération militaire, le Hamas ne fait pas de différence entre ces modes opératoires. Ses hommes ont semé le carnage sans distinguer entre les cibles, civiles et militaires : au moins 150 Israéliens ont été tués, près de 900 blessés. Au fil de la journée, des vidéos diffusées quasiment en direct révèlent l’écroulement des défenses israéliennes.

Un milicien se filme sur Facebook avec le téléphone d’une Israélienne qu’il retient chez elle en otage, comme sa famille. Un autre filme des blindés, trophées saisis dans une base militaire israélienne qui paraît en partie désertée. Des voitures rentrent triomphalement une à une dans Gaza, à travers la « barrière de sécurité » high-tech dans laquelle Israël a investi des milliards d’euros depuis les années 1990. La rupture de ce rempart résonne profondément parmi les Gazaouis, soumis à un blocus quasi-total depuis 2007 par Israël, avec l’aide de l’Egypte.

« Barrière de sécurité »

Dans Gaza, des militants tirent une jeune otage israélienne terrifiée du coffre d’un blindé ; d’autres jettent au sol un jeune homme qui paraît inconscient, et une foule s’acharne immédiatement sur son corps. Le Hamas affirme avoir capturé des soldats et des officiers. Il y a encore cette Israélienne âgée, conduite dans l’enclave à l’arrière d’une voiturette électrique, peut-être sénile, manifestement inconsciente du danger, qui sourit à la foule acclamant sa capture.

Ces otages, dont le nombre demeure inconnu, rendront plus difficile la réplique de l’armée israélienne, alors que le Hamas l’entraîne dans une possible incursion terrestre, la première guerre urbaine à l’intérieur de Gaza depuis 2014 : un enfer pour les Gazaouis et une équation stratégique impossible pour Israël. L’expérience a appris à l’armée qu’elle ne peut y prétendre à une victoire claire et durable.

Dans l’après-midi, elle bombardait déjà les frontières de l’enclave et des immeubles dans la ville de Gaza, dont la grande tour Palestine, après avoir prévenu ses locataires. Les autorités de santé de Gaza avancent dans la soirée les chiffres de 230 morts et près de 1 700 blessés. Dans une redite de la dernière guerre, en mai 2021, le Hamas a affirmé qu’il répliquerait contre Tel Aviv.

Le Hamas et son petit allié, le Djihad islamique, ont déjà fait démonstration de la puissance de leur arsenal de roquettes et de missiles, fruit de transferts de technologie de leur allié iranien – qui ne cesse de les appeler à la lutte armée. Au moins 3 000 ont été tirés samedi dans le Sud et jusqu’aux alentours de Tel Aviv et de Jérusalem. En mai 2021, les militants en avaient tiré 4 500 au total en onze jours. Comme en 2021, le chef de la branche armée du mouvement dans l’enclave, Mohamed Deif, à la parole fort rare, a affirmé que l’opération visait à défendre symboliquement l’esplanade des mosquées de Jérusalem (le Mont du Temple pour les juifs).

Fêtes religieuses de Soukkot

Le mouvement subissait ces derniers jours de nouvelles pressions de sa base, alors que des pèlerins juifs s’y rendaient pour prier, sous la protection de la police, durant les fêtes religieuses de Soukkot – une violation désormais banale du statu quo régissant les lieux saints. Le Hamas était aussi pressé de réagir aux violences perpétrées par l’armée et les colons en Cisjordanie occupée, où l’extrême droite israélienne mène, au sein du gouvernement de Benyamin Nétanyahou, une politique d’annexion assumée.

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(Jérusalem, correspondant)

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

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