En Inde, une vague de suicides chez les étudiants des basses castes dans les grandes écoles

Sept étudiants dalits, inscrits dans des établissements d’excellence parmi les plus sélectifs au monde, ont mis fin à leur jour depuis le mois de janvier. Une série de drames qui ravive le débat sur la discrimination institutionnelle dont sont victimes les jeunes Indiens les plus marginalisés.

Le Monde – Anil Kumar avait 21 ans. Il avait intégré l’une des écoles les plus convoitées de l’enseignement international, l’Institut indien de technologie de Delhi (IIT), où il étudiait les mathématiques. Il vivait sur le campus, dans le sud de la capitale. Une bulle de 130 hectares, isolée de l’atmosphère bruyante de la mégapole, avec laboratoires de pointe, pelouses fleuries et arbres majestueux. Depuis sa création en 1961, l’établissement s’enorgueillit d’avoir délivré plus de 48 000 diplômes, dont 5 070 doctorats.

Le 1er septembre, Anil Kumar a été retrouvé pendu dans sa chambre. Le jeune homme était un dalit (les « opprimés »), cette communauté autrefois appelée les « intouchables » située tout en bas de la hiérarchie des castes, les parias de l’Inde, encore très majoritairement assignés à des emplois peu qualifiés du secteur informel. Il avait raté ses examens mais s’était vu accorder une prolongation de six mois.

Son geste a frappé les esprits car il n’est pas isolé. Le 10 juillet, sur le même campus, un autre étudiant dalit, Ayush Ashna, avait mis fin à ses jours. En février, Darshan Solanki s’était aussi donné la mort en sautant du septième étage du bâtiment de son établissement de Bombay. Depuis le début de l’année, les vingt-trois IIT que compte le pays ont totalisé sept suicides d’élèves dalits.

Quotas réservés aux plus défavorisés

Cette série de drames a ravivé le débat sur la discrimination institutionnelle dont sont victimes les étudiants des basses castes sur les campus de ces écoles prestigieuses. « Pourquoi les instituts de technologie indiens deviennent-ils des cimetières pour les étudiants issus de communautés marginalisées ? », demande le cercle d’études Ambedkar-Periyar-Phule, engagé contre les discriminations.

Ces établissements d’élite sont réputés pour être les plus sélectifs au monde, plus qu’Harvard ou le Massachusetts Institute of Technology (MIT), aux Etats-Unis. Sur le million de candidats se présentant chaque année au concours d’entrée, seulement 1 % est admis, soit à peine 10 000. Malgré les faibles chances de réussite, ils se pressent au portillon car la réputation de ces pépinières dépasse largement les frontières. Chaque année les grandes compagnies internationales viennent recruter les meilleurs cerveaux sur le campus. La grande majorité des patrons des GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon – sont issus de ces écoles d’excellence.

Anil et Ayush avaient pu accéder à l’IIT de Delhi grâce à la politique de discrimination positive mise en place en Inde à partir de 1935 par les colons britanniques. Les instituts de technologie indiens qui avaient au départ échappé à ces astreintes doivent, depuis 1973, réserver des quotas aux élèves issus des castes les plus défavorisées : 15 % pour les dalits, 7,5 % pour les Adivasis, les aborigènes indiens. Une « classe intermédiaire » (« Other Backward Class ») bénéficie également d’un quota de 27 % des places.

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(New Delhi, correspondante)

Source : Le Monde – (Le 25 septembre 2023)

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