
Ce jour-là, le timbre de voix si particulier ondulait dans cette salle de classe du lycée national.
Les voix douces et pénétrantes de Simon and Garfunkel sortaient du vieux lecteur de cassettes posé sur le bureau du professeur.
Le tic-tac de la montre de Samba s’étouffait doucement dans son dôme de verre.
L’encre bleue du stylo de Sidi suintait sur sa manche de boubou blanc.
Les mandalas au henné des mains de Fatma s’estompaient lentement.
On entendait ou presque les battements d’ailes des mouches nouakchottoises transportant « The Sound of Silence ».
En rangs d’oignons par quatre ou cinq, nous étions figés dans cette pièce comme si le temps s’était arrêté.
Les couplets et les refrains venaient mourir lentement contre les murs défraîchis.
Ce jour-là en cours d’anglais, l’essentiel était ailleurs, cela se sentait, cela se voyait.
Des larmes coulaient lentement le long des joues de notre professeure, quelque chose nous dépassait.
Le moment était grave, intense.
Ces rares instants où l’émotion envahit tout sur son passage.
Nul doute que votre Belgique natale y était pour beaucoup Madame !
« Avec le vent du nord
Qui vient s’écarteler
Avec le vent du nord
Écoutez-le craquer
Le plat pays
Qui est le mien » tonne le grand Jacques,
A vous Madame, je voulais juste vous dire que ce « The Sound of Silence » résonne toujours pour moi.
Et pour vous Madame, probablement le grand Jacques tonne encore :
« Quand le vent est au rire
Quand le vent est au blé
Quand le vent est au sud
Écoutez-le chanter
Le plat pays
Qui est le mien».
Chante, chante grand Jacques.
Et les larmes du silence de Simon and Garfunkel coulent encore du vieux lecteur de cassettes.
Elbane Hamady
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