Sénégal, le Nicaragua s’est fait une place dans le vocabulaire populaire. Ce petit pays d’Amérique centrale inconnu, jusqu’à peu, de bon nombre de Sénégalais est devenu célèbre depuis qu’il est considéré comme un tremplin vers les Etats-Unis.
AuDans le village où il officie comme professeur de collège à Bakel, à l’est du Sénégal, Abdou Talla a constaté plusieurs départs parmi ses élèves vers cette destination durant les derniers mois. « Les adultes sont partis en premier », raconte-t-il. Dans cette bourgade qui compte une communauté bien implantée en France et où « la réussite passe par l’émigration », le chemin traditionnel a été bouleversé par « l’ouverture » de ce nouvel itinéraire. Le phénomène a pris de l’ampleur, d’autant que le visa n’est pas nécessaire pour le Nicaragua.
Sur les réseaux sociaux sont ainsi apparues des vidéos de groupes de Sénégalais se filmant à l’aéroport de Dakar, tout enthousiastes à leur départ munis d’une simple autorisation d’arrivée. En suivant les profils de ces candidats à la migration, on peut les voir gravir des montagnes, emprunter des sentiers en pleine forêt, traverser des rivières parfois de nuit pour conclure leur voyage par des images de gratte-ciel des villes américaines. La réussite de leur périple s’ajoute aux nombreuses vidéos expliquant comment se rendre aux Etats-Unis par ce « chemin terrestre ».
Moins dangereux que le voyage par l’Atlantique jusqu’aux îles Canaries pour rejoindre l’Europe, ce nouvel itinéraire suscite des envies au Sénégal. Après trois demandes de visa refusées par l’ambassade des Etats-Unis et un départ avorté sur pression familiale, Khadim s’est ainsi intéressé à ce passage alternatif dont il maîtrise désormais les secrets du bout des doigts. En attendant de réaliser son « rêve américain », le jeune homme raconte qu’un camarade est arrivé le 26 août aux Etats Unis après une quinzaine de jours de voyage, sa durée « moyenne ».
Le voyage est cher : jusqu’à 8 000 euros
« Dakar, Casablanca, Madrid puis le Salvador, ensuite de là direction le Nicaragua », liste Khadim avant de préciser que cette série de vols par correspondance est « l’itinéraire qui marche en ce moment ». « Les billets sont moins chers quand on s’y prend tôt, mais ce n’est pas sûr puisqu’il peut y avoir un changement [d’itinéraire] », affirme Hamidou, l’un des organisateurs de ces voyages que les candidats au départ appellent « businessmen ». Installé aux Etats-Unis, il se charge d’acheter le billet, facilite le voyage de ses clients dès l’aéroport de départ, où la corruption permet d’éviter les tracasseries policières, et explique la marche à suivre lors de chaque étape.
C’est également lui qui se charge d’envoyer par petites tranches « l’argent de poche » que leur ont remis les voyageurs avant le départ et qu’il distribue au fil des étapes pour leur éviter d’être dépouillés en chemin. A partir du Nicaragua, les migrants poursuivent le plus souvent leur trajet en bus ou en convois de petits véhicules avec lesquels ils franchissent les frontières du Honduras, du Guatemala puis du Mexique grâce à un réseau de passeurs et guides locaux souvent assistés des Sénégalais qui officient comme interprètes.
Le voyage est cher. Jusqu’à 8 000 euros, soit près de dix fois plus que les sommes versées pour un voyage par pirogue vers les îles espagnoles. Mais l’assurance d’arriver à destination pousse les candidats à mettre en jeu leurs économies ou à solliciter l’aide de leurs parents.
C’est le cas de Moustapha, ancien vendeur de téléphones, arrivé récemment aux Etats-Unis. « J’arrivais à subvenir à mes besoins mais ce n’est pas suffisant à long terme », donne-t-il comme raison de son départ.
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