Reportage – Séisme au Maroc : les villages du Haut Atlas, entre décombres et désespoir

“TelQuel” s’est rendu dans la province du Haouz, où été enregistré le choc principal du séisme, le 8 septembre. L’hebdomadaire marocain décrit des paysages “méconnaissables” de désolation et des survivants qui s’organisent tant bien que mal.

Courrier international – “Faites attention où vous mettez les pieds, il y a peut-être des morts sous les décombres que nous foulons.” L’avertissement provient de Rachid, 28 ans, habitant de Douar Targa, une commune d’Ijoukak sévèrement dévastée par le tremblement de terre de vendredi.

Plus de vingt-quatre heures après le séisme, la province du Haouz est dans un état méconnaissable. La catastrophe naturelle a frappé le cœur du Haut Atlas, où a été enregistré le choc principal, parvenu ensuite à différentes villes et campagnes marocaines. “À l’endroit même où vous vous tenez, nous avons sorti le corps d’un collégien accolé à sa maman”, ajoute, dépité, celui qui tient à nous montrer l’ampleur des dégâts dans son douar [groupement d’habitations typique du Maghreb].

Pansement autour de la tête, Rachid nous explique que le soir du drame, certaines personnes ensevelies sous les débris “arrivaient quand même à faire entendre leurs appels au secours”.

Détresse et volonté

 

Fatima, habitante du douar, nous rapporte que “vingt personnes ont trouvé la mort” dans son proche entourage, et que “six autres sont encore coincées sous leurs maisons démolies”.

Targa, c’est près d’une cinquantaine de maisons typiques de la région, réunies autour d’une mosquée sur les hauteurs de l’oued N’fis. Les riverains sont également des éleveurs, dont le cheptel a totalement succombé aux secousses.

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Aucune demeure n’a échappé au terrible aléa, pas même celles composées uniquement d’un rez-de-chaussée avec la traditionnelle terrasse intérieure. Pour nous montrer les dommages causés à leurs domiciles, les habitants doivent escalader les amas de pierres, de briques, de bois et de roseaux. Les murs effondrés bloquent tout accès aux ruelles. Ces dernières sont elles-mêmes devenues des remparts contre tout accès imprudent.

Les sinistrés évitent tout faux pas lorsqu’il est question de récupérer ce qui pourrait être d’une utilité commune : couvertures, ustensiles de cuisine, bonbonnes de gaz, en attendant les aides, dont l’arrivée s’opère progressivement au niveau des deux zones montagneuses les plus touchées, soit le Haouz et la province limitrophe de Taroudant.

En effet, la route liant Targa à Ijoukak a également subi de sérieux dégâts, les reliefs accidentés n’arrangeant en rien une situation déjà infernale.

Plus en hauteur, Tinmel inspire le même sentiment de détresse et de volonté de surmonter collectivement la catastrophe.

Pour s’y rendre, les véhicules sont obligés d’emprunter le cours de l’oued N’fis. La route goudronnée, elle, s’est partiellement retrouvée enfoncée sous d’immenses blocs de roche détachés des sommets. Sur la place principale du village multiséculaire, quelques volontaires sont aux petits soins dans ce contexte d’enclavement prolongé.

 

Au cœur du berceau almohade

 

Dans ce berceau historique de la dynastie almohade [dynastie berbère issue d’un groupe religieux formé au début du XIIe siècle, les Almohades, qui ont régné sur un grand empire comprenant l’Afrique du Nord et l’Espagne musulmane], les habitants tentent eux aussi de sortir des corps des décombres.

Portant des masques anti-Covid, des jeunes cherchent et tombent sur le corps d’une victime. La périlleuse opération a nécessité la contribution de tous, dont les travailleurs du chantier de rénovation de la mosquée locale, un bijou architectural du XIIe siècle qui n’a, hélas, pas résisté aux secousses.

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Avant le tremblement de terre, ils étaient dix travailleurs fixes admis sur le chantier. Au lendemain du drame, il n’en restait que cinq. Ismaïl, l’un d’eux, vient de Meknès. Père de famille, très loin de ses proches, il porte secours aux plus vulnérables du village et contribue aux côtés des jeunes de Tinmel à la fouille au milieu des débris.

“J’étais sur le point de dormir lorsque la terre s’est soulevée très brutalement”, nous raconte ce quinquagénaire attristé par la tournure des événements. Houssine, un autre survivant du chantier de la mosquée, veille à ce que personne ne s’approche dangereusement des murailles du monument.

“Il nous restait six mois avant la fin du projet de rénovation d’une durée de dix-huit mois”, clarifie l’homme qui a passé toute une année au service du chantier. Originaire d’un douar voisin, il estime que c’est à Tinmel que sa présence est la plus utile.

Les deux grands puits, dont les canalisations sont reliées à la mosquée, représentent en effet un sérieux danger pour les enfants et les curieux qui s’approchent trop des murailles restaurées, mais démolies.

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TelQuel (Casablanca)

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Source : Courrier international

 

 

 

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