Au Burkina Faso, l’étrange disparition de « Django », artiste-milicien

Afrique XXI Enquête · Ancien musicien devenu leader des Koglweogo dans l’est du Burkina, Moussa Thiombiano, alias « Django », a été enlevé le 1er avril 2023 dans son fief de Fada N’Gourma. Le rapt du célèbre septuagénaire pourrait être lié à son engagement en faveur du dialogue avec les djihadistes. Il illustre la confusion qui règne dans le pays. 

 

Les faits se sont déroulés le 1er avril 2023, et il ne s’agissait ni d’une blague ni d’un canular. L’enlèvement de Moussa Thiombiano, plus connu sous le nom de « Django », est bel et bien réel. Les réseaux sociaux avaient relayé l’information, le temps d’une journée, et puis plus rien. Et pourtant, « papa a été enlevé le 1er avril », nous ont confirmé les enfants de Django. On sait peu de choses sur les circonstances de sa disparition. Les ravisseurs ont agi vite et discrètement, ne laissant que peu de traces. Les témoins sont rares et ont peur de parler.

L’enlèvement a eu lieu le samedi 1er avril 2023, à Fada N’Gourma, la grande ville de l’est du Burkina Faso, à quelques pas de la Mission catholique et de la station-service Total, où Django possède un local ouvert aux quatre vents, un kiosque dans lequel on peut discuter autour d’une boisson (il s’agit de l’ancienne autogare la Transafricaine). Django y passe beaucoup de temps lorsqu’il est à Fada, et y reçoit beaucoup de monde.

C’est que l’homme, âgé de 73 ans, est une célébrité nationale. Descendant de la lignée royale de Yenhamma, 17e roi du Gulmu (1791-1820), Django est considéré par certains comme un incompris ou encore un prince rebelle en raison de ses prises de position particulièrement tranchées. Par exemple, lors des dernières consultations royales pour la succession de Sa Majesté Kupiendieli, le 31e roi de la dynastie décédé en août 2019 (il régnait depuis 2002), Moussa Thiombiano avait fait acte de candidature. Mais il avait été écarté par le collège successoral au motif qu’il avait refusé de faire allégeance à Sa Majesté Kupiendieli.

 

De musicien à milicien

 

Django est le fils d’un ancien combattant. Il a hérité de son surnom durant son enfance en référence au western Django, un film de 1966 particulièrement violent. Django a d’abord été célèbre en tant qu’artiste, à la tête de la troupe Tanguiama, puis de l’orchestre de son frère cadet, Issaka Thiombiano, grand chanteur et guitariste (c’est avec Django qu’il a appris à jouer de la guitare) qui a émerveillé plusieurs éditions de la Semaine nationale de la culture à partir de 1984. Mais c’est avec l’avènement des Koglweogo (« les gardiens de la brousse », en mooré), à partir de 2016, que Django s’est fait davantage connaître au-delà du Gourma.

Après la chute du régime de Blaise Compaoré, en octobre 2014, des milices d’autodéfense, appelées « Koglweogo », ont entrepris d’occuper la place laissée vacante par l’État dans les villages et sur les routes pour assurer la sécurité et traquer les voleurs. Les pratiques de ces milices essentiellement rurales, pas ou peu encadrées, furent critiquées : elles torturaient ceux qu’elles arrêtaient, prélevaient des taxes, agissaient dans l’illégalité… Mais elles ont séduit une partie de la population car elles ont rapidement obtenu des résultats, renvoyant ainsi les autorités à leurs insuffisances1.

Django était un des leaders Koglweogo et, à ce titre, il a eu plusieurs contacts avec les autorités durant la présidence de Roch Marc Christian Kaboré (2015-2022). Son groupe était dénommé « Tinkoubitidogou » (ou « Tin Kubi u dogu » : « Gardons nos cités », en gourmantche), et était lié au mouvement national des Koglweogo. Actif dans les cinq provinces de l’Est, il revendiquait 21 000 membres en 2018 et affichait un bilan de 600 voleurs arrêtés. Très vite, ses interventions ont permis de mettre un frein à l’insécurité, particulièrement élevée dans cette région. Les routes, jadis écumées par des bandits de grand chemin, sont devenues plus sûres.

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Boukari Ouoba

Boukari Ouoba est journaliste.

 

 

 

Source : Afrique XXI 

 

 

 

 

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