– Il est un peu plus de 23 heures, vendredi 16 septembre 2022, lorsque Amadou Ba s’échappe de sa villa dakaroise pour se rendre au palais présidentiel. Quelques minutes plus tôt, il a reçu un appel pressant du président Macky Sall. « Il ne savait pas ce qui l’attendait. La convocation l’a étonné », confie un proche. Depuis deux ans, l’ancien ministre des finances (2013-2019) et chef de la diplomatie (2019-2020), a vu son étoile pâlir. Au petit matin, le voici pourtant propulsé premier ministre, nommé par celui-là même qui avait supprimé le poste trois ans et demi plus tôt. Un retour en grâce que d’aucuns interprètent comme une manière, pour Macky Sall, de lui paver la route vers la présidentielle de 2024.
A l’issue de plusieurs semaines d’attente et presqu’un an après sa nomination, Amadou Ba a finalement été désigné samedi 9 septembre candidat de la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar (BBY), choisi à nouveau par le chef d’Etat qui a annoncé en juillet renoncer à se représenter. « C’est un choix qui rassure car il est expérimenté et connaît les rouages de l’Etat », veut croire l’un de ses proches collaborateurs.
A 62 ans, malgré les relations fraîches qu’il entretient avec Macky Sall d’après l’entourage de ce dernier, Amadou Ba a été préféré à d’autres cadres du parti. Exit Aly Ngouille Ndiaye, le ministre de l’agriculture, Abdoulaye Daouda Diallo à la tête du Conseil économique et social ou l’ancien premier ministre Mahammed Dionne, rentré in extremis mi-juillet de Paris après plus de deux ans d’absence. Ce fidèle compagnon de route du président sénégalais bénéficiait du soutien des historiques du parti, l’Alliance pour la République (APR), qui ont mené tout l’été, en coulisses, une intense campagne en sa faveur.
Image (trop) lisse
Le pari de Macky Sall apparaît risqué car le choix d’Amadou Ba crispe une frange de la mouvance présidentielle. Les plus hostiles menacent d’ouvrir un front « anti-Ba » en lançant des candidatures dissidentes. « C’est un greffon qui n’a pas pris. Il n’était pas là au commencement et c’est un fonctionnaire, pas un militant de terrain. On doute de sa capacité à nous faire gagner », s’agace un membre de l’APR. « La guerre n’est pas déclarée au sein de la coalition pour le moment, mais elle risque d’éclater », prédit-il. Un scénario qui acterait la perte d’influence du président sénégalais au sein de sa mouvance depuis l’annonce de sa non-candidature à un troisième mandat.
« Ba a rasé les murs pendant des années pour ne pas qu’on le soupçonne d’avoir des ambitions présidentielles. Résultat, aujourd’hui il manque de légitimité », estime un autre cadre du parti, qui a défendu le choix de Mahammed Boun Dionne. D’autres pointent sa position en retrait des débats politiques, une image jugée bien trop lisse et peu combative. Mais « ce n’est qu’une apparence » prévient un opposant. « Ce n’est pas un apparatchik, mais il sait faire le crocodile. Faire le mort puis bondir sur sa proie quand elle ne s’y attend pas. Il est redoutable », assure quant à lui un banquier d’affaires français qui a côtoyé le technocrate ces dernières années.
Ce grand commis de l’Etat, un temps militant socialiste, est passé par la direction générale des impôts et domaines, puissante institution qu’il a dirigée après avoir gravi tous les échelons de 2006 à 2013. Il est ensuite nommé ministre des finances, un portefeuille central qui lui permet d’élargir ses soutiens au sein de gouvernement et de gagner en influence. Au point de susciter la méfiance parmi les proches du président. « Les faucons de Macky l’ont mis en garde contre Amadou car il était devenu incontournable au sein du gouvernement. Ils parlaient d’un pouvoir dans le pouvoir car les ministres se pressaient à son bureau pour qu’il soutienne leurs projets. Ses adversaires ont fini par avoir sa peau », suppose son ami et ancien ministre, Pape Amadou Sarr.
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