Info Migrants – Une note de l’Institut Montaigne publiée lundi met en avant l’importance primordiale de l’immigration en France dans les années à venir, notamment d’un point de vue économique. Avec une population vieillissante, « le renouvellement de la force de travail en dépend », peut-on lire dans cette étude. Un état des lieux chiffré, qui rectifie quelques idées préconçues sur l’incidence réelle de l’immigration sur l’économie du pays. Entretien avec Ekrame Boubtane, maître de conférence à l’Université Clermont Auvergne au CERDI et chercheuse associée à l’École d’économie de Paris.
RFI : Une note de l’Institut Montaigne, publiée lundi 28 août, souligne que l’immigration sera indispensable pour la croissance de la France dans les années à venir. Pour autant, l’impact de cette immigration sur l’économie française est jugé faible. Comment l’expliquez-vous ?
Ekrame Boubtane : Même si l’immigration a un impact économique faible, ça ne remet pas en cause le fait qu’elle soit essentielle pour l’économie. Et c’est le cas en France de longue date, avant même que ne se pose la question liée à la baisse de la population en âge de travailler.
La France est un pays qui a une longue histoire migratoire. Et en tant que puissance économique, le pays a eu besoin de l’immigration pour répondre à ses besoins sur le marché du travail depuis le 19e siècle. L’immigration représente toujours une part faible de la population française [10,3 % de la population en 2023, ndlr], ce qui explique son faible impact sur l’économie, mais cela n’empêche pas qu’elle a participé grandement au développement économique du pays.
Certains secteurs de l’économie française ne fonctionneraient pas sans l’immigration
D’autre part, certains secteurs de l’économie ne fonctionneraient pas sans l’immigration. Lorsqu’on regarde une décomposition sectorielle de l’emploi en France, on voit que dans certains métiers, une part relativement importante de la population employée est immigrée. Ce sont souvent des métiers en tension, plus précaires, qui sont soumis aux aléas de la conjoncture… Ce qui les rend moins attractifs pour les non-immigrés.
RFI : Le coût de l’immigration est-il chiffrable ? Et comment réagissez-vous aux thèses reprises par l’extrême droite qui évoquent une dépense publique de 50 milliards d’euros en faveur des immigrés en 2023 ?
EB : C’est très facile de créer de la polémique autour de l’immigration, que l’on soit de gauche ou de droite. Il y a tout un thème de recherche qui analyse l’impact fiscal de l’immigration dans les pays d’accueil depuis maintenant plus de 30 ans. En réalité, cela dépend notamment de ce que l’on entend par coût ou bénéfice.
Le premier point, lorsqu’il s’agit d’évaluer les effets de l’immigration sur les finances publiques, c’est d’essayer de déterminer quelle part des dépenses publiques pourrait-on attribuer à l’immigration et dans quelle mesure elle contribue aux recettes publiques. Et c’est un exercice difficile, car, dans la comptabilité nationale, aucune distinction n’est faite par catégorie de population.
Les personnes immigrées travaillent, consomment, épargnent et contribuent de manière effective aux recettes publiques de façon directe ou indirecte
Les immigrés, en arrivant dans un pays, ont recours à des services publics : l’école pour leurs enfants, les différentes aides sociales lorsque leurs revenus du travail ne leur permettent pas d’atteindre un niveau minimum de vie dans le pays, etc. Mais dans le même temps, ces personnes immigrées travaillent, consomment, épargnent et contribuent également de manière effective aux recettes publiques de façon directe ou indirecte.
D’autre part, les immigrés sont principalement en âge de travailler et d’avoir des enfants. La part des dépenses publiques familiales représentent une part relativement faible dans notre pays. Si l’on regarde en revanche les dépenses de retraite, comme les immigrés sont plutôt des jeunes en âge de travailler, ils constituent des contributeurs nets. Et ce que l’on peut démontrer, c’est que pour les immigrés permanents, on a plutôt un effet positif sur les finances publiques, c’est-à-dire que les recettes augmentent plus que les dépenses. Donc leur contribution à la richesse nationale est positive.
Source : Info Migrants (France)
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com