Au Sénégal, Fass Boye, port d’embarquement clandestin pour les Canaries

Plus de 1 500 km séparent le village de pêcheurs du territoire espagnol. Malgré la grande dangerosité de cette route migratoire, les jeunes, désœuvrés, sans espoir, continuent de partir.

Le Monde  – A l’abri sous une paillote de fortune sur la plage de sable blanc, Babacar Dièye regarde quelques pêcheurs sortir deux maigres caisses de poissons de leur pirogue colorée. Des gestes répétés à maintes reprises avec son frère de 37 ans qui a disparu dans le bateau secouru le 15 août au large du Cap-Vert, qui avait pour objectif de rejoindre clandestinement les îles espagnoles des Canaries. « Je suis encore sous le choc… Nous n’avons pas de corps, ni personne pour nous expliquer les raisons de son décès, c’est trop dur », se lamente le pêcheur, qui a pris en charge la veuve et les quatre enfants du disparu.

Selon un communiqué du ministère des affaires étrangères, l’embarcation avait quitté le 10 juillet la localité de Fass Boye, à 150 km au nord de Dakar, avec officiellement 101 passagers à bord – autour de 150 selon les habitants du village. Sur les 38 rescapés, tous originaires de Fass Boye, 37 ont été rapatriés mardi 22 août au Sénégal par un avion militaire. Sept corps ont été retrouvés mais ils ont été enterrés au Cap-Vert faute de pouvoir les transporter.

Galam Boye, habitant du village, a fait partie de la délégation qui est allée reconnaître les corps et chercher les rescapés. « Les jeunes avaient tous très peur, criaient et ne voulaient parler à personne. Ils étaient traumatisés psychologiquement par le voyage. J’ai pleuré, ils étaient très maigres et perdaient la mémoire », témoigne en espagnol ce père de famille qui a habité plusieurs années en Espagne, après avoir réussi en 2006 à rejoindre les îles Canaries par la mer.

Mais cette fois-ci, le trajet ne s’est pas déroulé comme prévu. Le regard dans le vague, Galam Boye répète les récits rapportés par les jeunes qu’il a rencontrés. « Au bout de dix jours en mer, le carburant était terminé, ils sont partis à la dérive. Cinq jours plus tard, ils ont épuisé les réserves d’eau et de nourriture. Ils jetaient quotidiennement à la mer le corps de ceux qui étaient décédés », relate-t-il sans respirer. Les rescapés ont finalement été sauvés au bout de trente-six jours de mer. « Deux d’entre eux avaient des blessures autour du cou, on m’a raconté qu’ils devenaient fous et voulaient sauter de la pirogue… Ils les ont donc attachés avec une corde », continue Galam Boye.

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(Fass Boye, Sénégal, envoyée spéciale)

 

 

 

 

Source : Le Monde 

 

 

 

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