Pourquoi le Sahara occidental est au centre de la diplomatie marocaine depuis quarante-huit ans

A Rabat, le dossier sahraoui guide les choix politiques intérieurs et extérieurs. Une « cause nationale » dont le roi Mohammed VI a hérité de son père mais qu’il défend avec d’autres moyens.

Le Monde – L’officialisation par Israël, le 17 juillet, de sa reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental est la dernière étape du processus de normalisation des relations entre les deux pays. Prolongement maghrébin des accords d’Abraham, la décision du royaume chérifien d’établir des relations diplomatiques avec Tel-Aviv en décembre 2020 s’inscrivait dans un « deal » triangulaire avec les Etats-Unis, ces derniers reconnaissant la « marocanité » de l’ancienne colonie espagnole en échange du geste marocain.

Tel-Aviv leur emboîte désormais le pas, parachevant la dynamique du rapprochement bilatéral. Israël peut maintenant compter au Maghreb sur une alliance de fait avec le Maroc, lequel a érigé en cause nationale la légitimation de sa souveraineté sur ce qu’il nomme ses « provinces du sud ».

L’ex-colonie espagnole et ses 266 000 km2 de paysage désertique sont aujourd’hui encore considérées par l’ONU comme un « territoire non autonome ». Depuis 1975, le Maroc et les indépendantistes du Front Polisario s’en disputent la souveraineté. Si le Maroc contrôle 80 % du territoire, le Polisario appelle à la tenue d’un référendum d’autodétermination, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, et a formé une « République arabe sahraouie démocratique » (RASD). Celle-ci est abritée dans les camps de réfugiés de Tindouf, dans l’ouest de l’Algérie, pays qui lui fournit une aide politique et militaire.

Après les affrontements déclenchés par le départ du tuteur espagnol, en 1975, la situation sécuritaire s’était stabilisée dans la foulée d’un cessez-le-feu conclu en 1991 sous l’égide de l’ONU. L’accalmie a toutefois été rompue fin 2020 lorsque les forces marocaines ont pénétré dans la zone de Guerguerat, un espace tampon sous contrôle du Polisario. Depuis, la frontière est redevenue volatile, théâtre d’escarmouches meurtrières.

Pour la monarchie marocaine, la reconnaissance de sa souveraineté sur ce territoire est avant tout symbolique. Se prévalant de l’allégeance historique des tribus locales à l’empire alaouite, Rabat considère le Sahara occidental comme sien. « La lutte du Sahara occidental devient progressivement un levier de nationalisme marocain pour la monarchie », explique Luis Martinez, directeur de recherche à Sciences Po et spécialiste de l’Afrique du Nord. Portée dans un premier temps par les partis nationalistes, la cause a ensuite été saisie par le palais. Sous l’impulsion du roi Hassan II, en 1975, la « marche verte » avait mobilisé 350 000 Marocains pour rejoindre la zone disputée. « L’ensemble de la population marocaine considère le Sahara comme faisant partie du Maroc », prévient le journaliste espagnol Ignacio Cembrero, d’El Confidencial, très bon connaisseur du royaume chérifien. Rares sont les voix dissonantes à se faire entendre publiquement au Maroc sur cette question.

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Source : Le Monde – (Le 24 juillet 2023)

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