Jeune enfant, dans le cadre de l’assistance médicale en Mauritanie, des médecins chinois officiaient dans de nombreux dispensaires dont le dispensaire central d’ Aioun El Atrouss.
On racontait qu’ils s’embaumaient d’oignons pour éloigner les moustiques et autres petites bestioles.
On racontait qu’ils parlaient aux animaux, aux plantes, aux « jenouns » tapis dans les grottes des hauteurs de la ville.
On racontait qu’ils ne mangeaient pas avec les mains, qu’ils utilisaient plutôt des petits morceaux de bois avec une remarquable dextérité.
Bref, vous l’avez bien compris, ils étaient évidemment « pas comme nous ».
Pour ma petite bande de copains, tous les prétextes étaient bons pour aller à leur rencontre, à la rencontre de l’autre, du différent.
Nos techniques d’approche étaient variées.
Parfois, la bonne vieille méthode de frapper à la porte et partir en courant. Parfois, ces petits bobos imaginaires de mal au ventre, mal à la tête.
Souvent nous avions droit aux fameux comprimés d’aspirine, de nivaquine, de charbon puisés dans ces grandes boîtes métalliques aux inscriptions mystérieuses.
Ce jour-là, Sidi se plaignait d’une douleur lancinante dans le bas ventre.
Peut-être que le mélange « zrig-coca » ou le « mbourou-sauce » de Fatma ne passaient pas.
Peut-être que la sardine puisée dans la boîte de conserve de ce matin avait pris un coup de chaud sous le soleil ardent de ce mois d’avril.
Peut-être…
En attendant, Sidi avait réellement besoin du docteur « pas comme nous », celui qui soignait les bobos, qui se parfumait à l’oignon, qui distribuait des bonbons « un le matin-un le soir ».
Après auscultation, notre médecin se dirigea vers la rangée de boîtes métalliques posées sur la table au fond de la pièce.
De brefs instants plus tard, il revint vers nous : des comprimés dans la main gauche et un gros objet métallique dans la main droite.
Hein… Un gros pistolet, un pistolet !
Hein… Sauve qui peut !
Tout le monde prit ses jambes à son cou. Sidi n’avait plus mal du tout, il était rapide comme l’éclair, il volait ou presque.
Bon, il s’agissait effectivement d’un pistolet.
Et quel pistolet ! Un pistolet injecteur utilisé comme une alternative à la seringue dans les campagnes de vaccination.
Quelle efficacité ce nouveau médicament, n’est-ce pas !
Elbane Hamady
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