Des Kundera africains ? / Par Tijane BAL

Privilège de l’âge. Le métaversien de service se souvient d’un journaliste, peu féru d’Histoire, qui se désunit face à un Mitterrand le recadrant, l’air de ne pas y toucher. « Nous parlons bien de la Bohême-Moravie »? La révolution de velours était passée par là et le journaleux s’embourbait entre Tchéquie et Slovaquie.

Vaclav Havel était président mais le politique advenu ne le cédait en rien à l’écrivain emblématique. Sur ce terrain, Kundera soutenait largement la comparaison. Laissons la figure ultra tutélaire de Kafka. Kundera qui avait en partage avec l’écrivain irlandais Samuel Beckett d’être réduits à un écrit : l’insoutenable légèreté de l’être pour l’un et En attendant Godot pour l’autre. Et pourtant! Kundera se distinguait tout de même par le biais de ce qu’il faut bien appeler un label: « dissident ».

Ecrivain-dissident, un quasi statut qui doit probablement beaucoup à Soljenitsyne et qui, d’ailleurs, a été étendu à des figures quelquefois controversées. Ismael Kadaré l’«Albanais» et plus encore Cioran le «Roumain» sont de celles-là. Rapport à des soupçons de complaisance à l’égard du régime d’Enver Hoxha pour le 1er et à des sympathies pour la Garde de fer pour le second.

Peter Szendy, écrivain français d’origine hongroise, qui appartient à une autre génération que les précités (il est né en 1966) a célébré dans un ouvrage éponyme les «Pouvoirs de la lecture». En rendant compte, Nicola Weill observe qu’«en la lecture se profile une relation de pouvoir et de domination».

Pas de contresens toutefois, il ne s’agit pas ici de pouvoir extérieur mais de « libérer l’esclave qui lit en soi ». Autre chose donc. Ce qui vaut pour la lecture ne vaudrait-il pas également pour l’écriture mais dans son rapport au pouvoir, le « vrai » et à la domination, la réelle ?

On peut écrire pour dénoncer et pour combattre !

Le métaversien en arrive à une question qui l’a toujours taraudé. D’où vient que la « reconnaissance » « écrivain-dissident » n’a jamais été reconnue à des écrivains africains («francophones») pourtant écrivains et dissidents ? Pourquoi, à l’inverse, leur dissidence leur a-t-elle au contraire nui ?

Le nom de Mongo Beti vient en premier à l’esprit. Non pas qu’il soit le seul mais il en est tellement emblématique. L’implacable ostracisme dont il fut longtemps l’objet et l’embargo qui frappa son œuvre littéraire auraient-ils été aussi rudes sans la publication de Main basse sur le Cameroun et l’opposition à Ahidjo ? William Sassine et son compatriote Thierno Monenembo pourraient également être cités mais dans une moindre mesure. Ils ne s’opposaient à un ami de l’Occident.

De manière générale, pourquoi de nombreux écrivains africains «dissidents» ont-ils subi un déclassement littéraire et une relégation implicite au rang de militants écrivains ou « écrivant », disqualification qui qui n’a jamais frappé ni un James Baldwin, ni un Richard Wright, ni une Toni Morrison, ni une Maya Angelou et, plus près de nous, si l’on ose écrire, ni un Colson Whitehead et même un André Brink ou un Breyten Breytenbach? Ce que l’on dénonce définit-il qui dénonce ?

 

 

 

Tijane BAL pour Kassataya.com

 

 

 

 

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