Le thiéboudiène, délicieux monument sénégalais

« L’Afrique passe à table » (2/4). Inscrit depuis 2021 sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, ce plat de riz au poisson né à Saint-Louis est devenu l’un des emblèmes du Sénégal et un élément de promotion de l’héritage local.

Le Monde  – Aussi célèbre que les cars rapides dakarois ou le baobab, le thiéboudiène (également orthographié ceebu jën et souvent appelé « thiep ») est au Sénégal ce que « les pâtes sont à l’Italie et les sushis au Japon », selon le chef sénégalais Omar Ngom : un emblème ! Plat du quotidien comme des grands événements – la différence résidant surtout dans la qualité des produits –, le thiéboudiène est un incontournable de la cuisine sénégalaise.

Comme de celle d’Astou Diop : « Au début de notre mariage, on a dû négocier, sinon nous aurions mangé du thiep tous les jours, tellement Bachir aime ce plat ! », plaisante cette habitante de Saint-Louis, dans le nord du pays, attablée devant… un thiéboudiène.

C’est dans cette ville, capitale de l’Afrique occidentale française (AOF) entre 1895 et 1902, que fut signé, au XIXe siècle, l’acte de naissance de ce plat, autour de la légende de Penda Mbaye. La coiffeuse, qui cuisinait également sur le marché, « aurait eu l’idée de malaxer des tomates cerises revenues avec des oignons, donnant au thiep cette belle couleur rouge », rapporte Fatima Fall Niang, directrice du Centre de recherches et de documentation du Sénégal (CRDS) à Saint-Louis. Bien que son existence n’ait jamais été confirmée, l’appellation « ceebu jën Penda Mbaye » persiste encore de nos jours pour désigner le plat original.

« Un plat complet et riche »

« Le thiep saint-louisien, c’est un riz rouge, coloré par les tomates, du poisson, et c’est un plat qui fait la part belle aux légumes, car nous sommes à l’embouchure du fleuve Sénégal, une région où l’on pratique le maraîchage. Il est complété par du suweer (aussi appelé diaga), c’est-à-dire des boulettes de poisson, souvent du thon rouge ou de la sardinelle, auquel certains ajoutent des crevettes. A part, on réalise également une sauce au tamarin. C’est un plat complet et riche », détaille Marie-Caroline Camara, Saint-Louisienne par son père et gérante de la maison d’hôtes Au Fil du Fleuve, dans cette ville.

Le riz, brisé, et le poisson, farci avec un mélange d’ail, de persil et d’oignon vert, sont les ingrédients essentiels du plat. Mais, d’une région et d’une ethnie à une autre, les recettes diffèrent sensiblement. « Les Lebou [une communauté de pêcheurs, majoritaire sur la presqu’île de Dakar] ont ajouté le yet et le guedj, des poissons et crustacés séchés », précise Astou Diop, qui ajoute en souriant : « Il y a une orthodoxie saint-louisienne qui n’accepte pas les modifications. »

Tous les ingrédients sont cuits dans une même marmite, ajoutés progressivement selon le temps de cuisson de chacun, afin que le plat mijote pour libérer les différentes saveurs durant environ trois heures. Ce savoir-faire est transmis de mère en fille, mais depuis une dizaine d’années des hommes s’en emparent lors d’événements comme des fêtes religieuses.

Fruit du métissage

Le « riz au poisson » (traduction littérale du nom du plat) a une forte valeur sociale. Partagé autour d’un bol, il appelle à la convivialité et à la transmission des valeurs chères au pays de la teranga (« hospitalité » en wolof). « Autrefois, il permettait également l’éducation : une personne âgée distribuait aux enfants des portions de légumes, de poisson et égalisait la quantité de riz afin que tout le monde soit au même niveau. On enseignait également les manières de se bien comporter », explique Fatima Fall Niang, coautrice avec Alpha Amadou Sy de l’ouvrage Le Ceebu Jën, un patrimoine bien sénégalais.

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Source : Le Monde

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