France – La mort d’Alhoussein Camara, 19 ans, lors d’un contrôle de police à Angoulême suscite des interrogations

Ce jeune Guinéen se rendait à son travail, le 14 juin vers 4 heures du matin, lorsque des policiers ont voulu le contrôler. Il a été tué d’une balle dans le thorax.

Le Monde  – « C’est l’histoire d’un homme qui ne fait pas d’histoire, donc il n’y a pas d’histoire, même après sa mort. » Luc Marteau est délégué de la Ligue des droits de l’homme à Angoulême. Et, trois semaines après le décès d’un jeune Guinéen, Alhoussein Camara, 19 ans, tué mercredi 14 juin par un policier lors d’un contrôle routier, il s’interroge. Qu’est-ce qui fait qu’un drame, comme celui de Nahel M., mort dans le même contexte, peut trouver une résonance nationale, quand un autre, qui lui ressemble, est cantonné à une relative indifférence.

Alhoussein Camara se rendait à son travail, le 14 juin vers 4 heures du matin. Depuis quelques semaines, il enchaînait les missions d’intérim dans un entrepôt logistique d’Intermarché, en périphérie d’Angoulême, de 5 heures jusqu’à la mi-journée. Avant l’aube, il avait quitté le studio du foyer de jeunes travailleurs où il résidait depuis un an et demi – tout proche de la gare d’Angoulême –, au volant de sa Peugeot 307. « On prenait la route en même temps, rapporte Ousmane Conde, un Guinéen lui aussi préparateur de commandes intérimaire. Le jour où il a été tué, je me souviens de l’avoir vu dans le rétroviseur de ma voiture. Je suis arrivé au feu qui amène sur RN10, je suis passé au vert et lui a stoppé. » Il n’est jamais arrivé au travail.

Alhoussein Camara aurait commis un refus d’obtempérer qui lui a coûté la vie. C’est en tout cas ce qu’ont rapporté les policiers dans le cadre de l’enquête pénale en cours, selon la procureure de la République à Angoulême, Stéphanie Aouine. Une patrouille de police aurait repéré le jeune homme dans le centre-ville, sa voiture « zigzaguant ». Les agents auraient essayé de l’interpeller, en vain. Ils l’auraient donc suivi sur environ 5 kilomètres, « à allure réduite ». A la sortie d’Angoulême, tandis qu’une seconde patrouille de police arrive en renfort et « tente une première fois de l’intercepter », le conducteur aurait accéléré.

Le foyer de jeunes travailleurs où habitait Alhoussein Camara, tué par un policier le 14 juin, à Angoulême, le 5 juillet 2023.

 

Sous un pont, en contrebas de la RN10, Alhoussein Camara se serait arrêté à un feu rouge. Les deux voitures de police l’auraient enserré. Pour échapper au contrôle, il aurait fait marche arrière puis « orienté le nez du véhicule vers un autre policier qui s’approchait de lui ». « Touché aux jambes lors de cette manœuvre, [le policier] fait usage simultanément de son arme de service (…) au niveau du haut du corps », rapporte le parquet. Alhoussein Camara décède, atteint d’une balle dans le thorax. Le policier, lui, présente une entorse au genou.

 

Garçon sans problème

 

Maya Biret ne comprend pas. La jeune femme de 20 ans a connu Alhoussein Camara en 2019 dans un foyer de l’aide sociale à l’enfance où elle venait d’être placée après des « problèmes familiaux ». Elle a tout de suite sympathisé avec les Guinéens, pris en charge en tant que mineurs isolés. Quand, le 14 juin, la rumeur a circulé qu’un Guinéen avait été tué lors d’un contrôle de police, jamais elle n’a pensé qu’il pourrait s’agir d’Alhoussein Camara. « C’est quelqu’un d’intelligent. Il avait sa carte de séjour, sa carte grise, son assurance, son permis de conduire. Il ne fumait pas, il ne buvait pas », énumère Maya Biret. Le parquet a précisé qu’Alhoussein Camara n’était connu ni de la police, ni de la justice.

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(Angoulême, envoyée spéciale)

Source : Le Monde

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