La répétition et la rage, au cœur des émeutes françaises

The Conversation – Bien qu’elles nous surprennent chaque fois, depuis les révoltes des Minguettes dans les années 1980, les émeutes se répètent en suivant le même scénario : un jeune est tué ou gravement blessé par le police et les violences explosent dans le quartier concerné, dans les quartiers voisins, parfois, comme en 2005 et aujourd’hui, dans tous les quartiers « difficiles » qui se reconnaissent dans la victime de la police.

Depuis quarante ans, les révoltes urbaines sont dominées par la rage des jeunes qui s’attaquent aux symboles de l’ordre et de l’État, aux mairies, aux centres sociaux, aux écoles, puis aux commerces…

 

Une rage et un vide institutionnel

 

La rage conduit à détruire son propre quartier devant les habitants qui condamnent mais « comprennent » et se sentent impuissants.

Dans tous les cas aussi se révèle un vide institutionnel et politique dans la mesure où les acteurs locaux, les élus, les associations, les églises et les mosquées, les travailleurs sociaux et les enseignants avouent leur impuissance et ne sont pas audibles.

Seule la révolte des Minguettes en 1981 avait débouché sur la Marche pour l’égalité et contre le racisme. Mais depuis, aucun mouvement ne semble naître des colères.

Enfin, dans tous les cas aussi, chacun joue son rôle : la droite dénonce la violence et stigmatise les quartiers et les victimes de la police ; la gauche dénonce les injustices et promet des politiques sociales dans les quartiers. Nicolas Sarkozy avait choisi la police en 2005, Macron a manifesté sa compassion pour le jeune tué par la police à Nanterre, mais il faut bien dire que les hommes politiques et les présidents ne sont guère entendus dans les quartiers concernés.

Puis le silence s’installe jusqu’à la prochaine fois où on redécouvrira à nouveau les problèmes des quartiers et ceux de la police.

Des leçons à tirer

La récurrence des émeutes urbaines et de leurs scénarios devrait nous conduire à tirer quelques leçons relativement simples.

Les politiques urbaines ratent leurs cibles. Depuis 40 ans, de considérables efforts ont été consacrés à l’amélioration des logements et des équipements. Les appartements sont de meilleure qualité, il y a des centres sociaux, des écoles, des collèges, des lignes de bus… Il est faux de dire que ces quartiers ont été abandonnés.

En revanche, la mixité sociale et culturelle des quartiers s’est plutôt dégradée. Le plus souvent, les habitants sont pauvres, précaires, et sont immigrés ou issus des immigrations successives.

Mais surtout, ceux qui « s’en sortent » quittent le quartier et sont remplacés par des habitants encore plus pauvres et venant d’encore plus loin. Le bâti s’améliore et le social se dégrade.

On répugne à parler de ghettos, mais le processus social à l’œuvre est bien celui d’une ghettoïsation, d’un clivage croissant entre les quartiers et leur environnement, d’un entre soi imposé et qui se renforce de l’intérieur. On fréquente la même école, le même centre social, on a les mêmes relations, on participe à la même économie plus ou moins légale…

 

Les émeutes à Nanterre au soir du 28 juin. Zakaria Abdelkafi/AFP

 

Malgré les moyens mobilisés et la bonne volonté des élus locaux, on se sent hors de la société en raison de ses origines, de sa culture, de sa religion… Malgré les politiques sociales et le travail des élus, les quartiers n’ont pas de ressources institutionnelles et politiques propres.

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Source : The Conversation

 

 

 

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