Nahel sera inhumé dans la matinée. Nul glas ne devrait sonner. Le jeune homme, tué mardi dernier, était d’une confession dont le glas n’est pas une des expressions. Mais laissons la religion-et les marqueurs identitaires-même si, aux yeux de certains, la mort de Nahel ne peut en être totalement dissociée.
La communion née du drame transcende les grands particularismes supposés et convoque tout l’inverse. Seuls en ont été absents, ou présents mais différemment, ceux que personne n’attendait. Ceux-là ont joué leur partition habituelle.
Il semble, et tant mieux, que même les archéologues du sordide, toujours prompts, en pareille circonstance, à fouiller sédiment par sédiment, la moindre trace d’inconduite dans le parcours du défunt, aient fait profil bas.
Reste la colère, souvent source de débordements. Inévitables en de pareilles circonstances, ceux-ci sont advenus. Mais ils ne sauraient faire oublier, s’ils le ternissent, l’essentiel : l’élan fait de solidarité et d’indignation. La mère de la victime, portée en triomphe, en a été une incarnation et un symbole. Elle se serait bien passée d’une telle sollicitude et plus encore des circonstances qui l’ont fait advenir. Mais une douleur accompagnée, partagée doit être probablement moins dure à encaisser.
Le soutien, au-delà des «siens» supposés, doit avoir quelque chose de rassurant tant aux plans individuel que collectif. La déferlante multiraciale consécutive à l’assassinat de George Floyd en a été un exemple d’autant plus saisissant que ce type d’élan, on le sait, ne va pas de soi sous tous les cieux. Il en est où «Il est si facile d’ignorer la douleur de l’autre» comme le constate Carolin Emcke.
« Personne ne peut mourir en paix s’il n’a pas fait tout ce qu’il faut pour que les autres vivent» prévient Camus. Plus que d’autres, un meurtrier répond à cette définition. Celui de Nahel est en prison.
Au total, les autorités ont tenu le discours attendu en de pareilles circonstances. Cela non plus ne va pas de soi et ne se vérifie pas sous toutes les latitudes.
Peut-être, faudrait-il imprimer dans les cœurs et les esprits ce beau propos de Hemingway : «La mort de tout homme me diminue parce que je suis membre du genre humain. Aussi, n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas. Il sonne pour toi».
Tijane BAL pour Kassataya.com
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