
– « Quand nous combattions en Afrique… » Ce n’est pas un hasard si Evgueni Prigojine a mentionné le continent, samedi 24 juin, dans l’une de ses harangues sur Telegram alors que, de la ville de Rostov-sur-le-Don, dans le sud-ouest de la Russie, il orchestrait sa tentative de rébellion contre le commandement militaire.
L’Afrique est intimement liée à l’aventure de Wagner. Dans la foulée de l’intervention en Syrie aux côtés du régime de Bachar Al-Assad, elle a été le théâtre de l’expansion du groupe paramilitaire, lequel a enchaîné, à partir des années 2017-2018, les percées au Soudan, en République centrafricaine (RCA), en Libye et au Mali, à la faveur d’une stratégie opportuniste servie par un modèle récurrent : offre sécuritaire contre prédation des ressources.
Mais cette terre africaine a aussi été une source de tensions entre Wagner et ses commanditaires à Moscou, l’un des facteurs – avec la conduite de la guerre en Ukraine – du divorce qui a éclaté au grand jour samedi. « On nous disait qu’on avait besoin de l’Afrique, et, après ça, elle a été abandonnée parce que tout l’argent qui était destiné à l’aide a été volé », a ajouté M. Prigojine dans son réquisitoire. « Wagner réclamait plus d’argent et de matériel pour continuer ses actions en Afrique, confirme une source diplomatique française familière des activités du groupe de mercenaires. C’est de là que tout est parti. »
Si le malaise y a mûri, le dispositif africain de Wagner ne semble toutefois pas avoir joué un rôle quelconque dans l’épisode rebelle des 23 et 24 juin. Aucun mouvement significatif impliquant le groupe paramilitaire n’a été signalé sur le continent africain au fil de la journée de samedi, selon de nombreuses sources sollicitées par Le Monde.
Que va devenir cet investissement stratégique en Afrique maintenant que Wagner a renoncé à sa marche vers Moscou ? La présence de la compagnie de sécurité sur le continent est-elle condamnée ? « Wagner va continuer à exister, avec ou sans Prigojine », anticipe une source diplomatique française.
Un éventuel recalibrage devra intégrer les difficultés sur lesquelles le Groupe Wagner bute sur le terrain. Au Mali, les relations entre les mercenaires et la junte, qu’ils sont venus aider depuis 2021, sont actuellement tendues, selon nos informations. Plusieurs sources sécuritaires et diplomatiques évoquent un « problème de paiement » des combattants russes. « La junte n’a pas suffisamment de fonds », rapporte-t-on dans l’entourage des militaires maliens. Le groupe paramilitaire privé aurait, en conséquence, « imposé » certains de ses hommes au sein d’instances-clés du pouvoir.
Crispations au Mali
La conduite des opérations contre les groupes djihadistes contribue également à cette crispation. « Wagner fait davantage confiance aux milices [supplétives] qu’à l’armée malienne », souligne une source sécuritaire malienne. Un diplomate occidental basé à Bamako rapporte quant à lui que les effectifs de Wagner ont légèrement augmenté depuis le début de l’année, passant de 1 500 à 1 600 personnes.
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