
Courrier international – Les discours anti-français en Afrique francophone se sont répandus au-delà des élites urbaines éduquées et le phénomène pourrait « s’enraciner durablement », estime Alain Antil, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri) dans un entretien avec l’AFP.
Les critiques de la politique de la France ont été accompagnées ces dernières années de manifestations violentes à l’encontre de sociétés françaises telles que Total ou contre des représentations diplomatiques au Tchad, au Mali et plus récemment au Burkina Faso.
La profondeur du phénomène n’a « rien de comparable avec ce qu’on pouvait voir dans les décennies précédentes », souligne Alain Antil, qui dirige le Centre Afrique subsaharienne de l’Ifri et qui publie mercredi, avec son collègue Thierry Vircoulon, une étude consacrée aux « Thématiques, acteurs et fonctions du discours anti-français en Afrique francophone ».
On est désormais loin du temps « où les critiques, très articulées (…) étaient confinées à des cercles dirigeants d’intellectuels et qui, parfois, lors de crises politiques graves, pouvaient se répandre dans la rue », dit-il.
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© AFP Le chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri), Alain Antil, à Paris, le 12 juin 2023 |
Il est frappant de constater que les détracteurs ne cherchent même plus à faire la démonstration de contre-vérités: « on n’a même plus besoin de prouver que la France soutient le djihadisme. On l’affirme », observe-t-il.
Pour le chercheur, l’intensification du sentiment anti-français s’explique par « des trajectoires économiques et politiques décevantes » dans des pays où la population avait un temps fondé l’espoir de progrès économiques et en matière de démocratie.
« Déni »
Face à l’échec de leurs propres politiques, les dirigeants de ces pays ont recours à « des techniques de bouc émissaire »: « la France est responsable finalement du non développement de ces pays et de la corruption de leurs élites », explique Alain Antil. « C’est toujours un argument qui vient expliquer, et dédouaner finalement la responsabilité de ces élites ».
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© AFP/Archives Des manifestants protestent devant l’ambassade de France à Kinshasa contre la visite en République démocratique du Congo du président Emmanuel Macron, le 1er mars 2023 |
Parallèlement, ces discours anti-français ont pu prospérer car les dirigeants français ont, eux, tardé à réagir.
Jusqu’à très récemment, les autorités françaises « étaient dans une espèce de déni », y voyant simplement une corrélation à des crises, « à des poussées d’urticaire » ou une manipulation des Russes, explique le chercheur.
L’étude montre certes « une articulation entre cette guerre propagandiste russe et certains segments des réseaux sociaux africains ».
Paris (AFP)
Source : Courrier international
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