Mactar Ndoye : « Les afro-descendants ont des frustrations »

Interview avec Mactar Ndoye, représentant du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme. Pour lui, c'est en parlant de l'histoire coloniale qu'on fera cesser les discriminations raciales.

Deutsche Welle  – A l’occasion du cycle de conférences African Futures à Cologne, l’ONU a été appelée à participer aux discussions aux côtés des autorités et des communautés afro-descendantes de la ville. Les populations d’origine africaine hors du continent, en Europe notamment, subissent en effet différentes formes de discriminations, comme les obstacles à l’embauche ou les contrôles policiers au faciès. Or la permanence de ces discriminations est liée à une histoire, celle de l’esclavage et de la colonisation. Cela passe aussi par le soin d’initier un dialogue avec le continent africain, sans déni ni désir de revanche. Mactar Ndoye est chargé de la lutte contre le racisme et de la mise en œuvre de la décennie internationale des personnes d’ascendance africaine qui se termine en 2024.

DW : Bonjour Mactar Ndoye. Qu’est-ce que vous faites à Cologne en Allemagne ?

Mactar Ndoye : C’est un débat sur le passé colonial de la ville. Je pense que les afro-descendants ont des frustrations. Quoiqu’on en dise, il y a des plafonds de verre en termes d’emplois, en termes d’accès à l’éducation, en termes de santé et en termes de beaucoup de domaines. C’est pour cela qu’on a créé cette décennie, d’ailleurs. Et on le voit dans beaucoup de pays, la discrimination à l’embauche existe, le profilage racial existe, les stéréotypes existent. Et je pense que Cologne a eu le courage d’attaquer ce sujet de fond, ce qui n’est pas le cas de beaucoup de villes européennes qui ont un passé colonial et esclavagiste. Parce que l’idée n’est pas la revanche, c’est comment rouvrir les pages de l’Histoire et voir comment on peut remédier à ce legs en évitant le déni. Et voir comment discuter avec les populations d’ascendance africaine d’Allemagne. Ensemble, d’avancer.

DW : D’ailleurs, est ce que ces politiques mémorielles là, qui sont faites à l’étranger, ont une résonnance en Afrique ?

Mactar Ndoye : Ce sont des sujets qui doivent intéresser tout le monde. Nous, on regarde et on se dit tiens, il y a des choses qui bougent en Allemagne ! Comme quand là, on nous parle de futur de l’Afrique, ou de diasporas, ou du droit des afrogermaniques, ça nous intéresse. On le suit de près, on regarde. Parce que c’est une question de réconciliation, parce qu’il y a beaucoup de ressenti. On sait comment l’histoire s’est passée. C’est le déni qui nous blesse le plus. Quelqu’un qui dit : « Ah, ça n’a jamais existé » ou « Oh, ça fait des siècles, ne nous parlez plus de ça », ça blesse beaucoup les Africains. C’est comme si on piétinait la mémoire de leurs ancêtres.

DW : Ça passe par quoi, très concrètement ?

Mactar Ndoye : On ne peut pas continuer à marginaliser des minorités. Quand on entend le débat sur l’immigration, le contrôle policier au faciès… les Africains, ils suivent ça. Ils se disent ces gens ne nous aiment pas, ils traitent nos frères comme des sous-citoyens. Et ça, tant que ça existe, ça va être compliqué.

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Diane Merveilleux

 

 

 

Source : Deutsche Welle (Allemagne)

 

 

 

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