Thomas Diagne, l’amoureux fou des tortues

Paris MatchPionnier de l’écologie en Afrique de l’Ouest, où la protection de l’environnement n’est toujours pas une priorité, Thomas Diagne est, depuis trente ans, l’avocat des tortues. Sur 356 espèces, 60 % sont en péril ou déjà éteintes. Le reptile chélonien est, après les primates, le deuxième vertébré le plus menacé de la planète.

« J’ai toujours trouvé les tortues sympas, mais de là à en faire une carrière…  » Tomas Diagne, 1,90 mètre, est aussi robuste que ses protégés mais bien plus avenant. L’agronome sénégalais et ­défenseur du plus vieux vertébré de la planète, l’un des plus menacé aussi, nous reçoit à Joal-Fadiouth, sur la Petite Côte sénégalaise, à 115 kilomètres au sud de Dakar.

À ­l’entrée de sa maison, il a installé une œuvre monumentale sur le sol ­desséché. Tête et cou en tôle, ­carapace en grillage remplie de déchets plastiques, « Patrice », une tortue-­poubelle de 2 mètres de long, accueille le visiteur. Et lui rappelle, non sans provoquer une pointe de mauvaise conscience, de quoi se nourrit désormais l’animal marin. Passé les poules, les chiens et des bassins ­peuplés de tortues d’eau douce, apparaît une bâtisse blanche bétonnée, construite au milieu des arbres, en retrait d’une plage sans fin. Des tringles à rideaux aux jetés de canapé, des abat-jour aux tasses à café, tout est à l’effigie de ­l’animal totem. Ici et là, les trophées, symboles de la ­reconnaissance ­internationale de l’herpétologue.

« Tomas peut parler des tortues huit heures sans s’arrêter », ­commente Lucy, sa femme. L’universitaire américaine a réussi à caser sur les étagères quelques ­figurines de lamantins, son dada à elle. Ces deux-là se sont rencontrés en ­Caroline du Sud lors d’une conférence sur les tortues marines. Ensemble, ils ont monté une fondation aux États-Unis (African Aquatic Conservation Fund) collectant des fonds pour leurs combats respectifs.

 

Arrivée à Dakar du précieux chargement monégasque : 46 juvéniles âgés d’une dizaine d’années.
Arrivée à Dakar du précieux chargement monégasque : 46 juvéniles âgés d’une dizaine d’années. Paris Match / © Julien Faure

 

Enfant, Tomas Diagne est plutôt fan de poussins, qu’il élève en cachette dans sa chambre. Il a bien quelques tortues qui traînent dans le jardin, comme tous les Sénégalais qui font de ce reptile leur animal de compagnie préféré. Son père l’espère médecin militaire comme lui. Tomas se rêve plutôt ­vétérinaire. Il fera agro à Thiès, près de Dakar. Mais c’est en France que naît sa vocation.

 

Première étape : les identifier et les mesurer. Dans quelques dizaines d’années, elles pourront atteindre plus de 100 kilos. Avec Tomas et son cousin Lamine Diagne, directeur du Village des tortues de Noflaye.
Première étape : les identifier et les mesurer. Dans quelques dizaines d’années, elles pourront atteindre plus de 100 kilos. Avec Tomas et son cousin Lamine Diagne, directeur du Village des tortues de Noflaye. Paris Match / © Julien Faure

En 1992, lors d’un stage à l’Institut national agronomique Paris-­Grignon, René Dumont, son professeur, militant tiers-mondiste et pionnier de l’écologie politique, le sensibilise à une notion encore inconnue en Afrique de l’Ouest : la protection de l’environnement. L’étudiant revient au pays avec la certitude que le développement économique effréné va mettre à genoux tout l’écosystème de la planète. À 22 ans, aidé par son père spirituel français, il crée une fondation pour la préservation de la biodiversité à travers la reforestation.

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De notre envoyée spéciale au Sénégal Frédérique Féron

Source : Paris Match

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