Le fantasme sénégalais / Par Tijane BAL

Le Sénégal éternue et la Mauritanie s’enrhume. D’où vient la contagiosité ? Le nombre de signaux possibles complique le diagnostic Le voisinage ? L’Algérie et le Mali sont également des voisins. Dieu sait s’il s’y passe des choses. Le Maroc aussi.

D’où provient cette forme de «relation spéciale» fluctuant de «l’Entente cordiale» à « je t’aime, moi non plus ?» D’une discrète rivalité ? Le pouvoir colonial n’y a certes pas peu contribué en assignant à la Mauritanie une capitale quasiment exclavée. Cocasse ! Ce fut Saint-Louis du Sénégal. Ou plutôt Saint-Louis fit aussi office de capitale de la Mauritanie.

Au point que des paroles apocryphes du premier hymne mauritanien, qui n’en comportait pas puisqu’il était totalement instrumental, faisaient dire: Ould Daddah gaassou Ndar. (Ould Daddah est parti pour Ndar, autre nom de Saint-Louis). Illustration que la Mauritanie fut traitée en dépendance de son voisin. Une asymétrie que les 1ères années de l’indépendance n’assoupliront que partiellement. Anecdotiques mais symboliques, deux faits notamment en sont illustratifs.

Au dos de la Constitution mauritanienne de mai 1961 figure, en petit, l’adresse : Grande Imprimerie africaine 9, rue Thiers, Dakar. Les Mémoires de l’ancien président mauritanien révèlent un panneau avec les mentions : Travaux Publics de la Mauritanie. Erection de la future capitale de la Mauritanie. Entreprise Travaux-Afrique…. Route de la pharmacie fédérale Dakar-Hann. Bref, de manière générale, le Sénégal fut la colonie de référence.

Dès 1916, les citoyens de ses «quatre communes», administrées comme des colonies françaises, avaient le statut de citoyens français. « Merci » Blaise Diagne. Et il y avait le brio de Senghor. De la vieille histoire ? Peut-être. Quid de ses répercussions ? Ce qui n’est pas « de l’histoire » c’est que bon an mal an, nous continuons de nous fréquenter. Faute d’être le trait d’union vanté par un récit diplomatique convenu, le fleuve (notamment) reste une voie de communication. De ce point de vue, la géographie demeure « la science de la cohabitation».

A défaut d’être nécessairement des frères et des sœurs, ce qui relève de réalités et de choix personnels, nous sommes des voisins. Vaille que vaille. Ce qui est un fait. Et en voisins, nous nous connaissons. Des générations d’étudiants ont traversé le fleuve. Davantage dans un sens que dans l’autre. Or, si « on est de la ville où on a ses livres», on est également un peu de la ville où on a étudié. C’est là aussi une explication.

Reste que, peut-être demeurons-nous envieux . Ainsi, quand le hasard veut, comme actuellement, que dans nos deux pays, surviennent en synchronie des drames, d’aucuns y trouvent matière à «consolation» sur le mode « il n’y a pas qu’ici ». Mauvaises pensées ? Voire.

Dans un autre registre, n’envierait-on pas fondamentalement à nos voisins d’avoir été préservés jusqu’ici de pouvoirs prétoriens? Mais pour combien de temps encore ? L’’aventurisme des uns et la raideur des autres pourraient être gros de risques. En attendant, tout se passe comme si nous endossons par procuration le débat public d’Outre fleuve comme en compensation de celui dont nous nous estimons sevrés.

Tijane BAL pour Kassataya.com

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