LES BIENFAITS D’UNE ÉLECTION FRAUDULEUSE / Par Ciré KANE

Cette affirmation du plus africain des présidents français  avait soulevé un tollé. En tous cas, on sait que la démocratie fait mauvais ménage avec la pauvreté. N’oublions pas que c’est pour l’argent que la junte mauritanienne est passée au multipartisme après le discours de la Baule (19-21 juin 1990). François Mitterrand menaçait de couper le robinet finances à ses anciennes colonies s’il n’y avait pas un vent de liberté et de démocratie. C’est aussi par l’argent et les promesses de travail que les partis inféodés aux militaires fidélisent leur électorat. Si les richesses du pays étaient redistribuées sans favoritisme, il y aurait moins de nécessiteux à corrompre et la Démocratie serait normale, pas un luxe.

Les lendemains d’élections sont le moment idéal pour vilipender le pouvoir, sa CENI, son ministère de l’intérieur. Les salves des opposants les plus gueulards peuvent aller jusqu’à l’incitation à la lutte armée, une suggestion gauche du chaos pour remplacer cette démocratie à la hussarde.

Le premier bienfait donc d’une élection organisée par les hommes en bottes est de rappeler à l’opposition que le simple fait d’y participer les rend co-responsables de ce capharnaüm.

l’opposition serait aux premier banc des accusés pour être partie au charbon sans garanties si un tribunal devait être érigé pour condamner les bourreurs d’urnes, les bidouilleurs de pv, les informaticiens tripatouilleurs de résultats « définitifs », les égareurs d’électeurs, les bureaux de vote fictifs, le vote séparé des militaires,…la liste est longue et le long communiqué conjoint des grands perdants de cette élection en dit long sur les prodigieuses possibilités de triche.

Le 2ème bienfait d’une élection volée est qu’elle montre les hommes et femmes insubmersibles quelque soit les manœuvres du pouvoir. Le jambaar qui a cramé la junte est Ghasem Ould Bellal, Nouadhibou est une citadelle imprenable, un village bellalois, belle la loi! Ainsi donc, quand le politique est idolâtré par ses administrés, la fraude devient risquée, le monarque des lieux peut ordonner de brûler le village, une sortie de crise non pacifique mais les bidasses ne comprennent que ce rapport de force. Il n’y a pas toujours un Bellal à chaque élection et la junte finira peut-être par le coincer par une affaire de la décennie. En attendant sabrons le toufam pour ce cœur de lion, tout en précisant qu’il ne faut idolâtrer personne.

Le 3ème bienfait d’une élection, truquée ou pas, est l’énorme espoir de changement qu’elle suscite chez la plupart des opprimés, y compris les non inscrits sur les listes électorales par négligeance ou absence de papiers. Entre deux élections cet espoir ne meurt que le soir de la proclamation des résultats, pour renaître au premier meeting de leurs leaders. Les promesses politiques nourrissent les gros yeux pendant 5 ans, sans jamais remplir les ventres par un travail pérenne. Le principal rôle du politicien est de vendre du rêve pour éviter une révolte qui pourrait se solder par des centaines de morts. L’opposant est un régulateur social qui agit pour la stabilité du régime militaire, participe à sa crédibilité sur l’international et l’obtention de prêts, aides, investissements…

Le 4ème important bienfait est la mesure du niveau de conscience du peuple. Si les responsables politiques ont été naïfs en acceptant les nouvelles règles sur les municipales ou la réduction de la proportionnalité, beaucoup d’opprimés votent encore pour les partis de la junte qu’ils critiquent à toutes les saisons de l’année. C’est une constante depuis l’implantation au Sud du PRDS devenu insaf aujourd’hui. L’autre constante est l’achat au faciès de pièces d’identité d’électeurs susceptibles de voter contre les candidats du pouvoir. La conscientisation des citoyens devait passer idéalement par une école républicaine, il n’y a plus d’école. Sauf pour les riches.

On a commencé par l’argent, le nerf de la guerre, on finit par le kaalis, le vadha, le flouss…

C’est le 5ème bienfait d’une élection frauduleuse. Il y a beaucoup d’argent à gagner avec les campagnes électorales et la colossale enveloppe de la ceni. Si l’opposition boycotte, les grosses cylindrées de la majorité pourraient nourrir sur plusieurs semaines les populations pour fêter leur joie de gagner sans besoin de frauder. Le ventre vote pour celui qui le nourrit, même temporairement.

Maintenant que Mitterrand est mort, doit-on attendre le feu vert de Macron pour revenir au parti Unique, formule plus adaptée pour se développer comme une seule tribu? Si on arrive au niveau du Maroc ou du Rwanda, on enclencherait la démocratie des…ventres pleins !

27 mai 2023

Siree KAN 

PS: les africains doivent trouver des modèles de gouvernance et de guidance autres que ceux importés d’autres continents. Et si on se référait à nos ancêtres qui ont connu paix, abondance et relative stabilité ?

Le titre de l’article est ironique, rien de durablement bon ne peut sortir du vol ou de la fraude. Mais les bienfaits décrits sont des faits bien connus des mauritaniens.