Mauritanie : cette exception dans le Sahel

REPORTAGE - Tandis que le pays n'a pas connu d'attentat depuis 2011, son désert est devenu un des espaces les plus sécurisés du monde. Une « exception mauritanienne » qui intrigue.

Le Point – Brûlantes et mordorées, les dunes de Leklawa ondulent au gré des caresses du vent. Un désert unique, à couper le souffle, sans aucun doute un des plus beaux du monde. En foulant ce sable chaud, on comprend mieux pourquoi la Mauritanie et ses espaces dévorants d’humilité étaient les terrains de jeu préférés de l’écrivain Théodore Monod : « J’ai eu de la chance de rencontrer le désert, ce filtre, ce révélateur. Il m’a façonné, appris l’existence. Il ne ment pas. C’est pourquoi il faut l’aborder avec respect. »

Notre méharée épouse notre rythme, à pas mesurés, six dromadaires chargés d’eau et de victuailles. Seuls quelques pommiers de Sodome, la plante caractéristique du désert, viennent piqueter les étendues sableuses qui s’étirent à perte de vue.

Avant mon départ, j’avais pu lire l’incompréhension sur le visage de ceux à qui j’ai confié ma destination. Pourquoi un reportage en Mauritanie, dans cette zone si dangereuse, de surcroit épicentre du djihadisme ?

Rempart contre le terrorisme

La Mauritanie est un pays à part, qui se dit oublié sur la scène internationale, un pays qui prend à bras le corps des défis importants en matière d’éducation, de santé ou de terrorisme. Tous sont loin d’être relevés : la situation s’aggrave en matière de pauvreté, l’éducation n’est plus prioritaire, et le Covid a dégradé une situation sanitaire déjà alarmante. Mais ce petit pays discret a en revanche réussi une prouesse : celle de créer un rempart contre le terrorisme. Cette performance a d’ailleurs été mise en lumière lors de la réunion du G5 Sahel en février dernier à N’Djaména et intrigue de nombreux pays qui se réunissent à ce sommet.

La dissonance entre l’image de la Mauritanie et la situation sur place mérite que l’on s’attarde sur cette fameuse exception mauritanienne. Parce que le constat sur place est sans appel : nous avons parcouru des dizaines de kilomètres à pied depuis notre arrivée, et je constate que la sérénité et la quiétude habitent les espaces que nous traversons : ergs, palmeraies, villes, villages et oasis. D’ailleurs, pas un touriste à l’horizon. Le vol hebdomadaire qui nous a déposés à Atar – au beau milieu du pays –, il y a quelques jours, était à peine plein. Et pourtant, au début des années 2000, la Mauritanie était le paradis des marcheurs en quête de solitude. À l’époque, c’étaient quatre vols par semaine qui déversaient ces hédonistes sportifs et curieux. Le tourisme était un moteur de l’économie locale.

Jusqu’au coup de grâce. Le 24 décembre 2007, quatre touristes français sont tués à l’arme automatique en plein désert.

Ce pays aurait pu mourir à petit feu. Crever de ce terrorisme qui gangrène aujourd’hui la région. Mais c’est une tout autre voie qu’il a choisie. L’ancien président de la République au pouvoir entre 2009 et 2019 a su imaginer une stratégie globale et je constate que les Mauritaniens ont créé une solidarité autour de ce sujet. D’ailleurs, leur façon de faire bloc autour de cette cause est assez poignante et certainement un facteur de cohésion nationale.

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Par notre envoyée spéciale en Mauritanie, Capucine Graby

Source : Le Point (France)

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