Au Sénégal, les féministes impuissantes face à l’affaire qui oppose Adji Sarr à Ousmane Sonko

Le témoignage de l’ancienne masseuse, qui accuse le principal opposant au président Macky Sall de viols, a suscité de multiples commentaires sexistes.

Le Monde  – « SALACE. Aji Sarr déroule un film porno », s’indigne en « une » L’Observateur. « Révélations torrides de Adji Sarr », promet à ses lecteurs Le Quotidien. « Récits érotiques, c’était hot ! », s’extasie Bés Bi. La presse sénégalaise a rivalisé de titres scabreux, mercredi 24 mai, au lendemain d’une audience cruciale dans le procès le plus suivi du moment dans le pays. Le principal opposant au pouvoir, Ousmane Sonko, est accusé de viols et menaces de mort par Adji Sarr, une ancienne employée d’un salon de massage.

« Associer le viol à la pornographie, c’est le banaliser, s’insurge Aminata Libain Mbengue, figure du féminisme radical et psychologue clinicienne. Les journalistes sénégalais qui ne sont pas formés aux questions de violences sexuelles confondent souvent viol et sexualité. »

Lors de l’audience de mardi, la victime présumée a décrit avec force détails les scènes de viols qu’elle affirme avoir subis entre fin décembre 2020 et début février 2021 au Sweet Beauty, le salon où elle travaillait. Son témoignage a suscité de nombreuses moqueries sur les réseaux sociaux où les partisans d’Ousmane Sonko sont particulièrement actifs. Ils voient derrière cette affaire judiciaire un complot politique visant à exclure leur leader de la course à la présidentielle de 2024.

« En témoignant sans trembler, Adji Sarr incarne la mauvaise victime aux yeux du public. Pour beaucoup de Sénégalais, une bonne victime doit sembler détruite. Ces représentations erronées confortent les agresseurs », estime Ndèye Khady Babou, médecin et co-coordinatrice du réseau des féministes du Sénégal.

 

Les limites du militantisme féministe

 

Depuis l’éclatement de cette affaire politico-judiciaire, le débat public est saturé de propos sexistes. Si bien que même les militantes les plus radicales disent être « essorées » face au peu d’échos qu’ont leurs voix. Célèbre communicante, à la tête de l’Association d’appui et de protection des femmes victimes de violation de leurs droits (Aprofev), Gabrielle Kane a dans un premier temps assuré la défense publique de la jeune masseuse. Elle a été jusqu’à accueillir chez elle Adji Sarr en mars 2021, alors que l’affaire avait suscité des affrontements entre forces de l’ordre et partisans d’Ousmane Sonko lors desquels quatorze personnes ont été tuées.

A l’époque, Gabrielle Kane écume les plateaux de télévision, mais se retrouve souvent isolée dans les débats. Mardi, la militante a suivi le procès de son ancienne protégée loin du tribunal. « Cette affaire m’a détruite. J’en suis une victime collatérale. J’ai été agressée, menacée et traitée de pute à la solde du régime. Cela a bouleversé ma vie personnelle et professionnelle. J’ai aujourd’hui besoin de me reconstruire », confie-t-elle. Elle a pris ses distances avec Adji Sarr.

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Source : Le Monde 

 

 

 

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