
Le Calame – Le scrutin du 13 Mai s’est déroulé globalement dans le calme. Et le moins qu’on puisse dire est que les Mauritaniens se sont fortement mobilisés. Souvent librement mais aussi poussés par des acteurs politiques. Dans un cas comme dans l’autre, ils ont bel et bien voté. Un bon signe pour la démocratie.
En attendant la proclamation des résultats provisoires, on semble s’acheminer vers une victoire écrasante de l’INSAF. Or le parti du pouvoir avait été curieusement donné pour menacé, tant le choix de ses candidats avaient été contestés et nombre de ses acteurs l’avaient boudé pour se faire investir par d’autres partis, de la majorité présidentielle principalement.
Une attitude qui avait fait sortir le parti et le gouvernement de leurs gonds. Le Premier ministre en était même venu à descendre sur le terrain pour battre campagne, menaçant de sanctions tous ceux qui auraient contribué à la défaite de l’INSAF. Une sortie fortement décriée mais qui a permis au président Boydiel de rappeler que le PM était tout-à-fait dans son rôle, comme dans toutes les grandes démocraties où les Premiers ministres sont responsables devant le Parlement et donc tenus de conduire la campagne de leur parti.
Mais ce que les Mauritaniens n’ont pas apprécié, c’est le ton et la manière de s’exprimer devant les cadres et militants. On craignait donc que les menaces et intimidations proférées puissent impacter négativement sur les résultats de la campagne et sur les rapports entre les partis de la majorité présidentielle que le PM taxait d’adversaires. Au vu des résultats, c’est loin d’être le cas. Attendons maintenant à quoi vont s’exposer ceux dont les noms seront rapportés par les coordinateurs régionaux et comment la majorité saura gérer les frictions apparues au cours de la campagne. Des têtes vont-elles tomber? C’est très peu probable : la présidentielle de 2024 est bel et bien en ligne de mire…
La victoire de l’INSAF démontre surtout la frilosité et l’hypocrisie de la classe politique. La gestion du gouvernement Ghazwani est loin d’être satisfaisante –lui-même l’a reconnu au cours d’un conseil restreint des ministres et plusieurs poids lourds de son équipe l’ont maintes fois répété – l’exécution des projets traîne, tout comme l’absorption des financements. En dépit de tout cela, le parti va gagner avec une confortable majorité. Il n’a cependant pas proposé des discours ou des programmes à même de changer le mode de gestion des communes et des conseils régionaux afin d’améliorer les conditions d’existence des gens.
Portraits géants, caravanes, klaxons, belles tentes, soirées folkloriques… Le choix des députés s’est fait dans la complaisance, avec pour probable conséquence l’entrée au Parlement de personnages sans prise réelle sur les réalités populaires, incapables d’accompagner et de soutenir de manière constructive le gouvernement, autrement que par des applaudissements et des votes mécaniques des lois. Quels sont alors les supports de la victoire d’INSAF ? Contrôlant tous les moyens, distribuant fonctions et marchés, capable de menacer et sanctionner, le parti au pouvoir – INSAF aujourd’hui, PRDS et UPR hier – demeure le parti-refuge de tous les opportunistes… Les tribus, les généraux et autres y ont leurs entrées. Le régionalisme, le clientélisme, le népotisme et le dosage ethnique en sont les recettes.
Le second facteur de cette hégémonie, c’est la faiblesse de l’opposition. Les partis dits traditionnels de celle-ci ont montré leurs limites, certains vont même disparaître de l’arène politique suite à ces élections. Non seulement leur discours et leur vision n’ont pas réussi à proposer une réelle et pragmatique alternative au système en place mais ils n’ont pas plus su renouveler leur personnel. Signe de cette stérilité, rares sont les partis – du pouvoir comme de l’opposition – qui auront accordé ne serait-ce qu’une moindre importance aux programmes et aux débats. L’UFP a d’ailleurs déploré l’absence de ceux-ci entre les candidats.
Opposition entre espoirs et déceptions
Tandis que l’INSAF s’est concentré sur la mobilisation des électeurs, drainant par tous les moyens des milliers d’entre eux, Tawassoul reste le seul parti fermement ancré dans l’opposition, même si son discours a fortement évolué depuis l’arrivée de Ghazwani au pouvoir. Plusieurs de ses pontes ont d’ailleurs quitté le parti, pour rejoindre la barque de celui-là ou conserver leur « marge de manœuvres ». Mais il reste tout de même la première force politique de l’opposition. Saura-t-il garder cette place ? On attend les résultats pour mieux en juger.
Au cours de ces élections, on a cependant noté l’émergence de la coalition Espoir 2023.Principalement constituée de jeunes loups – exceptée l’icône Kadiata Malick Diallo, annoncée réélue avec maître El Id Mohamed M’Bareck et le jeune activiste Ghali Diallo – cette coalition reflète, de l’avis des observateurs, l’image réelle du pays – unité nationale… –et semble avoir démontré que les discours extrémistes de tous bords ne paient pas. Elle pourrait proposer une alternative, si elle réussit à maintenir sa cohésion et à se structurer davantage. Elle paraît déjà en mesure d’envoyer quelques députés à l’Assemblée nationale, si l’on s’en tient aux résultats provisoires qui circulent dans les salons et les réseaux sociaux.
Déception, par contre, du côté de la coalition Sawab-RAG. En dépit de la forte mobilisation constatée lors de ses meetings, le résultat ne semble pas au rendez-vous des urnes. Le président d’IRA paie-t-il son rapprochement avorté avec Ghazwani ?
Dalay Lam
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