États-Unis – La persécution (ou corruption) du juge Clarence Thomas

(New York) - L’idée voulant que Clarence Thomas soit persécuté par ses ennemis politiques ou idéologiques ne date pas d’hier.

La Presse.ca – Le juge ultraconservateur l’a lui-même exprimée de façon mémorable lors de la procédure de confirmation qui l’a élevé à la Cour suprême des États-Unis, en 1991.

« Il s’agit d’un lynchage high-tech pour Noirs présomptueux qui daignent, d’une manière ou d’une autre, penser par eux-mêmes », a-t-il déclaré lors d’une audition au cours de laquelle il a nié devant 14 sénateurs blancs et des millions de téléspectateurs les accusations de harcèlement sexuel formulées contre lui par Anita Hill, une ancienne collaboratrice.

Seize ans plus tard, sa colère était intacte. Dans My Grandfather’s Son, son autobiographie, le natif de Pin Point, bled reculé de Géorgie, est revenu sur l’affaire Anita Hill dans un paragraphe extraordinaire :

« J’avais grandi dans la crainte des foules de lyncheurs du Ku Klux Klan ; à l’âge adulte, je commençais à me demander si je n’avais pas toujours eu peur des mauvais Blancs. Mes pires craintes s’étaient concrétisées non pas en Géorgie mais à Washington, où j’étais poursuivi non pas par des bigots en robe blanche mais par des zélateurs de gauche drapés dans leur hypocrisie morale. » – Extrait de l’autobiographie du juge américain Clarence Thomas

 

Aujourd’hui âgé de 74 ans, le doyen de la Cour suprême est-il revenu de cette colère, de ce sentiment de persécution ? L’histoire ne le dit pas. Mais ses admirateurs, qui sont légion au sein de la droite américaine, ont pris le relais ces derniers jours.

Le contexte : les révélations explosives du site d’information ProPublica sur les nombreux cadeaux que Harlan Crow, milliardaire texan et mégadonateur du Parti républicain, a faits à Clarence Thomas au cours des deux dernières décennies. Cadeaux que le juge n’a pas rapportés dans ses déclarations financières, comme il aurait dû le faire.

De commenter un collaborateur du blogue conservateur Volokh Conspiracy : « L’objectif apparent de Thomas n’est pas de dissimuler des conflits d’intérêts réels ou apparents. […] Son objectif semble être de protéger sa vie privée contre les critiques qui tentent de le détruire depuis plus de 30 ans. »

De nombreux sénateurs républicains ont défendu l’intégrité de Clarence Thomas en reprenant cet argument.

Or, là où les défendeurs du juge préféré de Donald Trump voient de la persécution, ses critiques voient de la corruption.

« Ce à quoi nous assistons en ce moment, c’est à une violation de la loi », a déclaré la représentante démocrate de New York Alexandria Ocasio-Cortez, appelant la Chambre des représentants à lancer une procédure de destitution contre le juge.

Les faits suivants ne sont pas contestés. Clarence Thomas a accepté des voyages de luxe offerts par Harlan Crow, héritier d’un empire immobilier, pratiquement chaque année pendant des décennies, y compris des croisières internationales sur des yachts et des vols en jet privé dans le monde entier.

PHOTO LM OTERO, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le milliardaire texan, Harlan Crow

 

Crow a également versé de l’argent à Clarence Thomas dans le cadre d’une transaction immobilière. Et, après avoir acheté la maison où vit encore la mère du juge, Crow a investi des dizaines de milliers de dollars dans l’amélioration de la propriété.

Il a aussi payé les études du petit-neveu de Clarence Thomas, dont ce dernier a obtenu la garde légale, dans des pensionnats privés de Géorgie et de Virginie.

Après les révélations de ProPublica sur les voyages de luxe dont il a joui, le juge a déclaré qu’il ne pensait pas avoir à déclarer « ce type d’hospitalité personnelle de la part d’amis proches, qui n’avaient pas de causes à traiter avec la Cour ».

En fait, selon un guide de politique judiciaire, les transports qui se substituent aux transports commerciaux doivent être divulgués. Et si le débat persiste quant à savoir si Harlan Crow a eu des causes devant la Cour suprême, un fait est indéniable : il a financé des organisations, dont la Federalist Society, qui ont contribué au virage conservateur, voire réactionnaire, de la Cour suprême.

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Richard Hétu Collaboration spéciale

Source : La Presse.ca (Canada)

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