En Afrique, le décollage des « fintech »

La finance numérique se développe à toute allure sur le continent, portée par l’adoption massive de l’argent mobile. Ce secteur est celui qui attire le plus d’investissements au sein du paysage technologique africain.

Le Monde  – Omar Cissé n’est pas près d’oublier les premiers jours de la crise sanitaire mondiale, il y a trois ans. « Le week-end où le Sénégal a décidé de fermer ses frontières, mon téléphone n’a plus arrêté de sonner », se remémore cet ingénieur de formation, patron de la société InTouch. « Petites, moyennes, grosses, toutes les entreprises voulaient numériser leurs paiements. Ça a été un point de bascule : depuis, la tendance n’a fait que s’accélérer », poursuit-il au téléphone depuis Dakar, la capitale sénégalaise, d’où il pilote le développement de sa fintech –contraction des mots finance et technology –, l’une des plus solides du continent.

Son concept ? La mise au point d’un agrégateur visant à répondre au casse-tête de la multiplication des services d’argent mobile en Afrique. Destiné aux commerçants et aux entreprises, ce guichet unique permet d’encaisser tous les moyens de paiement. Parmi les clients et partenaires d’InTouch figurent aujourd’hui TotalEnergies, l’université Cheikh-Anta-Diop, à Dakar, ou encore la Loterie nationale de Côte d’Ivoire. Des profils qui n’ont pas grand-chose à voir avec les petits entrepreneurs de l’informel, généralement considérés comme les principaux usagers du « mobile money » en Afrique.

« Notre rôle est justement de faire dialoguer tout cet écosystème : nous aidons les grosses entreprises à accepter du paiement sur mesure émanant de structures et d’individus non bancarisés », détaille Omar Cissé. Huit ans après son lancement au Sénégal, la plate-forme est désormais présente dans dix-sept pays africains. En 2023, le volume de transactions devrait atteindre 3 milliards d’euros, cinq fois plus qu’en 2019. Une trajectoire témoignant de la mue du secteur, à mi-chemin entre inclusion financière et services de plus en plus sophistiqués. Et dont la croissance, selon Omar Cissé, ne risque pas de s’interrompre : « Les fintech en Afrique ont de beaux jours devant elle. »

 

Le segment le plus financé

 

De fait, les technologies financières s’y développent à toute allure, portées par l’adoption massive de l’argent mobile. Un domaine dans lequel les Africains font figure de pionniers. En 2022, plus de la moitié des comptes actifs de paiement mobile (219 millions) à travers le monde se trouvaient en Afrique, selon l’état des lieux annuel du GSMA, l’association internationale des opérateurs de télécoms, publié le 18 avril.

« L’industrie africaine de la fintech arrive à maturité », constatait aussi le cabinet de conseil McKinsey dans un rapport dévoilé fin août 2022. Selon cette étude, les revenus cumulés des sociétés du secteur pourraient être multipliés par huit d’ici à 2025, par rapport à 2020, pour atteindre 30 milliards de dollars. D’ores et déjà, la fintech s’est imposée comme le segment le plus attractif en matière d’investissement dans le paysage technologique africain. En 2022, elle est restée le segment le plus financé, concentrant 42 % des montants levés par les start-up, selon le portail spécialisé Disrupt Africa.

L’essentiel des licornes africaines – les sociétés innovantes valorisées à plus de 1 milliard de dollars, soit près de 905 millions d’euros – appartient d’ailleurs à l’univers de la finance numérique. La dernière venue est l’égyptienne MNT-Halan, qui a annoncé en février un tour de table record de 400 millions de dollars. Celle-ci aime à se présenter comme la superapplication des exclus du système bancaire, soit plus des deux tiers des 110 millions d’Egyptiens, auxquels elle propose des crédits, la possibilité de payer des factures, de transférer de l’argent, et même d’effectuer des achats sur Internet.

 

Une « marge de progression énorme »

 

Le cœur de cible de MNT-Halan est caractéristique sur un continent où la majorité des habitants – et des entreprises – demeure pas ou peu bancarisée. « Les institutions financières classiques ne sont pas très actives en dehors du haut de la pyramide des revenus, alors qu’il reste un marché de centaines de millions de personnes à aller chercher, constate Jean-Michel Huet, directeur associé chargé de l’Afrique au sein du cabinet de conseil BearingPoint. Cela donne aux fintech des marges de progression énormes, d’autant que l’inclusion financière est un axe très soutenu par les grands bailleurs qui développent toutes sortes de programmes autour de cette thématique. »

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Source : Le Monde 

 

 

 

 

 

 

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