Bob Marley et le football, une certaine idée de la liberté

Grand amoureux du ballon rond et de Pelé, le chanteur jamaïcain aurait contracté son cancer fatal lors d'un match amical à Paris. C'est faux.

C’est un raccourci et une inexactitude tellement énormes qu’il est effarant que cette information se répande encore aujourd’hui comme une traînée de poudre non vérifiée. Mais que voulez-vous, les voies des légendes sont impénétrables. Selon un nombre tout à fait incalculable de sites internet en tout genre, dont certains très sérieux, Bob Marley, prophète de la musique jamaïcaine et du reggae, certainement l’une des cinq plus grandes icônes de la musique moderne, aurait contracté son cancer fatal lors d’un match amical de football, disputé le 9 mai 1977 à Paris.

Tiens donc. A-t-on des statistiques sur les nombres de mélanomes développés à cause d’une pelouse trop grasse ou d’un ballon trop dur? Trêve de cynisme. Plus de quarante-cinq ans plus tard, cette anecdote déformée apparaît comme l’occasion de revenir sur l’amour porté par le chanteur envers le sport du peuple par excellence.

Un score sans appel pour l’équipe franco-jamaïcaine

 

Que s’est-il donc passé lors de ce fameux match? Et bien, rien de fou. Bob Marley, ses musiciens du groupe The Wailers et ses amis se sont laissés aller à une aimable confrontation. Non pas au pied de la tour Eiffel, comme on lit ci et là, mais derrière l’hôtel Hilton situé, il est vrai, à quelques centaines de mètres du Trocadéro (XVIe arrondissement de Paris). Un détail, certes, mais le décor varie bel et bien.

 

Du côté des adversaires, on retrouve principalement des vétérans du show-biz français, les Polymusclés, aréopage emmené par le chanteur Herbert Léonard. Dans l’équipe du roi du reggae, il y a ses musiciens donc, mais aussi le journaliste Philippe Paringaux qui se place dans les buts, le confrère Francis Dordor comme ailier droit, le photographe Paul Alessandrini ou encore l’auteur Jean-Louis Lamaison. Bob Marley est ailier gauche.

Lui et sa troupe gagneront 6 à 1. Mais la star jamaïcaine ne termine pas le match: après un mauvais tacle, il souffre du gros orteil droit et doit céder sa place sur le terrain. Cette blessure ne l’empêche pas de briller lors de son concert parisien, donné le lendemain.

Cependant, quelques semaines plus tard, après une prestation à Londres, son pied le fait atrocement souffrir. Il se décide, enfin, à consulter. Le médecin qui examine son orteil panse la plaie, mais lui recommande tout de même de faire des examens sans tarder. La biopsie réalisée dans la foulée est formelle: un mélanome s’est développé sur l’extrémité de son pied, la solution la plus efficace est l’amputation. Bob Marley, fidèle aux stricts principes du rastafarisme, refuse cet acte chirurgical. Une décision qui –entre bien d’autres qui suivront– l’enfonce déjà dans la tombe.

Proche du niveau professionnel?

Du football, Bob Marley a extrait l’essentiel: une forme de liberté. Ce sport l’a accompagné toute sa vie. Il était, dans son cercle, considéré comme une cause noble et une pierre pavant la paix de l’esprit. Le chanteur était un grand admirateur de Pelé, star brésilienne par excellence, non seulement considéré comme l’un des (le?) plus grands footballeurs de l’histoire, mais également comme le symbole d’un peuple noir, métisse, défiant la supériorité apparente et écrasante de l’Occident.

 

Si les Beatles étaient à la musique ce que Johan Cruyff était au football, si Diego Maradona pourrait être comparé aux Rolling Stones, alors, aucun doute, Bob Marley, c’est Pelé. L’un des meilleurs amis du chanteur n’était autre qu’Alan “Skill” Cole, joueur international jamaïcain à la fin des années 1960, connu pour s’être fait virer du club brésilien Náutico Capibaribe (club de Recife), pour avoir catégoriquement refusé de couper ses dreadlocks.

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Brice Miclet — Édité par Émile Vaizand

Source : Slate (France)

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