Au Sénégal, « beaucoup d’hommes infertiles épousent d’abord une deuxième femme avant d’accepter que le problème vient d’eux »

« La PMA de Dakar à Kinshasa » (3). En Afrique, où infertilité et impuissance sont associées dans l’imaginaire, la honte et le secret imprègnent les familles.

Le Monde Il y a cette gêne non feinte à en parler. A voix basse, le regard baissé, Souleymane déroule son histoire d’homme infertile avec peine. Il a 36 ans, dont huit années de mariage. « Les gens se moquent de moi et de ma femme car nous n’avons pas d’enfant, confie-t-il. On a d’abord pensé que le problème venait d’elle. Mais elle ne souffre de rien. Puis, je me suis dit que je devais me faire tester. » Le résultat tombe : varicocèle bilatérale. Une pathologie souvent asymptomatique qui provoque une dilatation des veines au niveau du cordon spermatique, le canal qui relie les testicules à l’urètre.

« Le cas de Souleymane n’est plus isolé, constate Racine Kane, urologue sénégalais formé à l’hôpital du Val de Grâce, à Paris, qui le reçoit ce jour-là en consultation dans son cabinet dakarois. 75 % de mes consultations en ville concernent désormais des problèmes d’infertilité masculine. Je vois beaucoup d’hommes de moins de 30 ans qui souffrent de testicules non fonctionnels ou qui ne produisent pas ou peu de spermatozoïdes. »

Pour ces jeunes patients, l’infertilité est d’autant plus difficile à accepter qu’elle est traditionnellement associée aux femmes. « Quand on leur demande de faire un spermogramme, beaucoup refusent. Ils vont d’abord épouser une deuxième ou une troisième femme avant d’accepter que le problème vient d’eux », observe l’urologue. Au Sénégal, on confond infertilité et impuissance. D’un homme qui n’a pas d’enfant, on dit qu’il n’est pas un vrai homme. Certains de mes patients en grande souffrance ont eu besoin d’un accompagnement psychologique. »

Ces réticences retardent la prise en charge médicale, souvent ralentie par des années de soins auprès de tradipraticiens. Pour ces derniers, l’infertilité constitue un marché lucratif. Aux couples désemparés, ils proposent des tarifs abordables même pour les moins aisés et des consultations sans délai d’attente. « Ma femme m’a poussé à rencontrer un tradipraticien au bout de quelques années de mariage. Il m’a assuré qu’il pouvait me soigner et qu’aucune opération n’était nécessaire. » Mais, faute de résultats, Souleymane a fini par subir une chirurgie des deux testicules. Une opération qui a coûté 560 000 francs CFA (853 euros) à cet employé d’une entreprise de construction.

Pollution, stress, tabac et alcool

De l’infertilité de son mari, Estelle* parle désormais en riant. « Je l’appelais “Monsieur 1 %” car seulement 1 % de ses spermatozoïdes étaient viables. Ils étaient globalement lents et mal formés », s’esclaffe-t-elle entre deux tétés. Un cas extrême qui a poussé le couple à suivre un programme de procréation médicalement assistée (PMA). A chaque tentative, Estelle a fait face aux douleurs physiques au bas-ventre causées par les injections d’hormones. Son corps a subi une importante prise de poids et son visage s’est couvert d’acné. Montant des deux fécondations in vitro, traitements et hospitalisation compris : 15 200 euros. « Nous y avons mis toutes nos économies et notre train de vie a brusquement chuté, ce qui a surpris nos proches à qui nous avons caché notre problème. On était seuls à porter ce fardeau. »

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Source : Le Monde

 

 

 

 

Suggestion kassataya.com :

La PMA progresse en Afrique, continent le plus touché par l’infertilité

 

 

 

 

 

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